Le 11 mai, Michi, après avoir suivi une formation avec Supertramps, guidait seul pour la première fois, un groupe à travers la ville de Vienne. Découverte de cette ville de rêve d’un tout autre point de vue.
Michi avec des participants de la première visite guidée
En quoi consiste Supertramps ?
Si vous connaissez déjà la grande roue, la cathédrale et le Rathaus, vous pouvez faire l’expérience d’une promenade en ville dans une perspective sociale. Nous invitons les gens à découvrir la ville à partir de l’expérience d’un sans-abri, celle qui fut la mienne.
Comment cette association a-t-elle commencé ?
L’association a été fondée en 2015 par Katarina Turnauer, qui a lancé un projet à Prague et l’a ensuite transposé à Vienne. Les 5 autres guides sont aussi d’anciens sans-abri. C’est évident, sinon tu ne peux pas raconter une telle histoire. Il y a des initiatives semblables à Zurich, Berne, Hambourg… et dans toute l’Europe, pour ainsi dire.
Comment êtes-vous devenu guide?
Supertramp s’est littéralement mis devant mes pieds ! Il y a 3 mois, quand je suis rentré à la maison et qu’il y avait beaucoup de vent, un morceau de papier est tombé du panneau du foyer quand j’ai ouvert la porte. Quand je l’ai ramassé pour le jeter, quelques mots ont attiré mon attention « Sans-abri, voulez-vous partager vos connaissances sur le sujet ? Voulez-vous aider les personnes qui se trouvent dans la même situation ? » Dés le lendemain, je me suis décidé à appeler. Premier appel sans succès, mais le même jour j’ai retrouvé Oliver, un ami que je connaissais depuis peu de temps. Evoquant mon intention, il me dit connaître Supertramp et m’encouragea à appeler immédiatement. Grâce à lui, j’ai vite été introduit… Dès la première conversation, la coordinatrice Teresa m’a suggéré de partir le lendemain suivre une visite guidée (de Sandra) pour me faire une idée. Pendant la visite, j’entrais en conversation avec Sandra tout en marchant. Elle ne savait pas qui j’étais, mais pensait que j’étais journaliste (un journaliste était supposé suivre la visite ce jour-là). J’ai alors fait part de mon identité et de mon intérêt pour le projet. Puis elle me dit : « puisque tu es là, tu peux dire quelque chose sur les hommes sans-abri » (sa tournée portait sur les femmes sans-abri). Je pensais que c’était une plaisanterie… il n’y avait que des filles. Une fois la visite terminée, Sandra dit que j’allais partager un peu de mon expérience, et soudain 15 visages se sont tournés vers moi ! Qu’est-ce que je dis maintenant ? J’ai parlé à peine 3 minutes et j’ai été immédiatement submergé par une tonne de questions de la part des filles ! C’était la première expérience avec Supertramps ! J’ai remarqué que cela pouvait être quelque chose pour moi, car j’ai immédiatement captivé mon auditoire.
Comment commencez-vous?
A la station de métro Meidling, sous terre. Je me présente brièvement et je dis : il est 7 heures, heure de pointe, heure d’aller au travail, montons ! Tout le monde est affairé.
Une fois en haut, je pose la première question : avez-vous remarqué quelque chose ? Curieusement, je l’ai déjà fait plusieurs fois (ce samedi pour la première fois seul) et je n’ai jamais entendu dire que quelqu’un aie remarqué quelque chose. Pourtant la sortie de la station Meidling est un vrai hotspot pour les sans-abri, un point central. Mais personne ne les voit…
Toute la visite se construit sur ce premier constat.
Comment avez-vous conçu votre visite ?
Je voulais emmener les gens par où je suis passé. Une fois on m’a demandé : qu’est-ce qu’un centre d’hébergement d’urgence? Personne ne peut vraiment imaginer à quoi ça ressemble. Comme le Vinzirast est vide pendant la journée, j’ai pensé que je pouvais vraiment emmener les gens jusqu’à l’intérieur de l’établissement. C’est ma deuxième étape: on rentre comme pour un premier enregistrement. Tu dois présenter un document d’identité et donner 2 euros. Tu reçois en échange du savon, une serviette, du dentifrice et une brosse à dents, des draps si c’est ton premier jour, et ensuite tu es conduis dans le dortoir. Je vais toujours au lit numéro 17, il y a 48 lits au total ! (samedi, les participants n’en revenaient pas), parce que c’était mon chez moi pendant 6 mois…
Puis nous allons dans la cour où je raconte un peu mon premier jour à Vinzirast, à quel point j’étais anxieux. Je mentionne aussi ma première rencontre avec Michi quelques temps plus tard. Assis dans cette cour (l’endroit des fumeurs) nous nous sommes brièvement raconté nos histoires, je lui ai dit que j’étais à bout et à sec. Il sortit alors 30 euros de sa poche, me les donna en disant: « quand tu auras de l’argent, tu me le rendras ». Ce fut un déclic pour moi, le moment où je décidai de passer d’une vie égocentrée à une vie plus tournée vers les autres.
De la cour, nous passons à la cuisine, j’en profite pour faire un peu de publicité, puisque le Vinzirast fonctionne principalement grâce aux bénévoles, notamment pour la préparation des repas.
Prochaine étape : après le petit-déjeuner vous devez quitter le centre tôt le matin, où aller dans ce cas? Nous nous dirigeons vers le parc, juste au coin de la rue. Au parc (un autre, plus éloigné du Vinzirast, dont je montre une photo) j’avais la paix !
On peut aussi se rendre dans un centre de jour, pour manger quelque chose, obtenir du thé chaud ou du café, accéder à Internet pour une heure.
Michi conduisant son groupe à travers les rues de Vienne
Prochaine étape : Si vous remontez un peu la pente, vous vous mettez à chercher un logement social. J’explique un peu quelles sont les conditions, revenant sur l’histoire de la « Vienne rouge » qui a construit son premier logement social en 1925 et a la réputation de mener une politique sociale efficace et pertinente. J’ajoute quelques mots sur moi, sur ces années difficiles de jeunesse dans un quartier de logements sociaux: j’ai dû y apprendre à survivre, c’était une période difficile… Mon apprentissage en poche, j’ai eu la possibilité de travailler à l’étranger, c’était le rêve à cette époque ! Cela a duré 20 ans, le travail m’a amené à voyager tout le temps et partout jusqu’à ce que mon passeport, et pas seulement celui-ci (il montre un ancien passeport plein de tampons douaniers) soit plein. Après tout ce temps, j’en ai eu tout simplement assez, j’étais jusqu’au bout. Toujours avec la valise, pas de famille ni de relation durable, pas de temps pour l’amitié. Après ma démission, j’ai essayé de travailler comme indépendant, mais j’étais vraiment à bout. Pendant deux autres années, j’ai vécu sur mes économies jusqu’à ce que je perde mon appartement. J’étais au fond du trou, je ne voulais plus rien….
Puis vient la question : que faire maintenant ? C’est comme ça que j’ai atterri au Vinzirast .
Quand tu es au fond, tu as besoin d’un endroit qui te redonne des forces : un endroit, une institution, des personnes. J’emmène mon groupe jusqu’à la dernière étape de la visite : l’église du quartier. Je raconte l’aide et le soutien reçu. Je dois dire que je ne cautionne pas tout ce que fait l’Eglise, mais l’Eglise signifie beaucoup plus : communion, confiance, faire des choses ensemble. Et Points-Cœur, vous connaître a été un grand soutien pour moi.
C’est ainsi que la visite guidée prend fin. Nous sommes toujours très heureux d’écouter les retours, il y a donc un précieux temps d’échange avant de se séparer.
Suite à cette première visite guidée, avez-vous déjà des idées pour une prochaine thématique ?
Bien sûr, il y aurait encore à développer. Mais ce que je ressens de plus en plus profondément, c’est le désir d’aller plus loin dans le travail social, je n’ai plus envie de faire autre chose (surtout pas mon ancien travail). Je veux pouvoir continuer à aider.
Voir le tour de Michi sur le site Supertramps
https://www.vinzirast.at/