Les 7 vitraux de la chapelle de la Bâtiaz, à Martigny dédiée à Notre-Dame de Compassion ont été réalisés en 2014 par Kim En Joong, artiste coréen, à la demande de Léonard Gianadda. Evoquant l’agressivité dans le monde, les violences, la guerre, Kim En Joong parle de son art comme l’irruption de la lumière dans les ténèbres. «Il faut répondre aux malheurs du monde (…) Le beau désarme. Je suis persuadé qu’il reste un seul moyen : c’est l’art, comme soleil qui éclaire tout. Mon travail est d’être chasseur de ténèbres….» [1]Extrait d’une émission retransmise sur KTO tv : Kim En Joong : Espoir. https://www.ktotv.com/video/00103778/kim-en-joong-espoir
A Martigny, à quelques mètres de la Dranse, blottie sous le rocher que couronne le château de la Bâtiaz, se dresse une petite chapelle sous le patronage de Notre-Dame des 7 douleurs. Ce sanctuaire marial est un lieu de prière et de pèlerinage pour les gens du pays : ils aiment à entrer pour y prier, déposer une bougie, une intention, un fardeau, ou pour remercier pour une grâce reçue. Les ex-voto qui tapissent le mur de droite de la chapelle témoignent de nombreuses guérisons obtenues par l’intercession de la Mère de compassion et de la reconnaissance des habitants de Martigny. Sur chaque ex-voto, une scène est peinte, qui relate les circonstances de la guérison.
Lorsqu’il y vient pour la première fois, Kim En Joong est saisi par l’atmosphère intime du lieu et par ce mur couvert d’ex-voto. Il souhaite que l’œuvre qu’il réalisera soit au service de l’édifice, le vitrail étant «l’œil de la chapelle, qui révèle son âme» [2]Extrait du documentaire : SIVOM AMBERT – Père Kim, peintre de la lumière – Film de Christel GAY https://www.youtube.com/watch?v=4yw7K3GqhBg
Vitrail : Connaissance. Source
Des ténèbres à la lumière
Le thème de la lumière est premier dans l’œuvre de Kim En Joong. Il qualifie sa jeunesse, marquée par l’occupation japonaise et la guerre de Corée, de ténébreuse. Plus tard, il devient catholique, interpellé par ses jeunes élèves du séminaire catholique de Séoul, où il enseigne le dessin, et il est particulièrement frappé par le message de l’évangile qui évoque le passage des ténèbres à la lumière. Il explique : « C’est devenu mon but, j’ai découvert la lumière en devenant catholique. C’est très saisissant. Tout ce que je fais, tout ce que je suis, c’est le sujet de l’action de grâces pour ce passage des ténèbres à la lumière » [3]Extrait d’une émission retransmise sur KTO tv : Kim En Joong : Espoir. https://www.ktotv.com/video/00103778/kim-en-joong-espoir
Ainsi, les vitraux qu’il réalise témoignent de l’irruption de cette lumière dans la vie. Son travail est le reflet de sa contemplation, de sa vie intérieure : «Pour le visiteur, mes vitraux ne sont pas un simple jeu de couleurs, mais un regard rayonnant vers la lumière ; j’ai fait en sorte que mon travail soit un don de la source divine, à la manière de la Sainte Vierge, la Mère de Celui qui est ressuscité pour le salut de l’humanité» [4]Père Kim, in Les peintres et le vitrail, vitraux français contemporains, 2014, p 150 cité in les vitraux des chapelles de Martigny, Fondation Pierre Gianadda, 2014, p 174.
Vitrail : Compassion. Source
Au-delà du visible, l’invisible
Son art est un appel à entrer dans le monde invisible : «Ce que je désire : non pas imposer, mais lancer une invitation ; Dieu se cache, il nous faut le découvrir» [5]Extrait du documentaire : SIVOM AMBERT – Père Kim, peintre de la lumière – Film de Christel GAY https://www.youtube.com/watch?v=4yw7K3GqhBg Pour lui, c’est cela qui prime et caractérise son art, beaucoup plus que qu’une forme, une catégorie. «Pour moi, figuratif, non-figuratif, cela n’a pas de sens. Je cache pour que les gens découvrent» et encore, «l’art abstrait. Le mot est très mauvais. On ne peut pas définir quelque chose comme cela. Pour moi, personnellement, ce que je fais, c’est très concret puisque cela doit contenir autre chose que ce que l’on voit : c’est le monde invisible» [6]ibid
Il aime particulièrement l’expression de Stendhal « la beauté est promesse du bonheur ». Car «la beauté rayonne en soi sans crier… elle ne demande pas d’explications, comme tout ce qui défile sur les écrans pour convaincre les gens» [7]Lettres au Père Albert Patfoort, 2014, p113 cité in les vitraux des chapelles de Martigny, Fondation Pierre Gianadda, 2014, p 119 et de continuer : «ce que je souhaite, dans mon art, c’est une élévation avant tout et la libération, parce que notre Patrie, c’est le Ciel et que tout doit aspirer vers le paradis» [8]Extrait du documentaire : SIVOM AMBERT – Père Kim, peintre de la lumière – Film de Christel GAY https://www.youtube.com/watch?v=4yw7K3GqhBg
L’utilisation des couleurs
Les vitraux de Kim En Yoong sont toujours très colorés, ceux de la chapelle de la Bâtiaz ne font pas exception. Il utilise les couleurs primaires pour signifier la Trinité : le bleu manifeste le Père, l’origine ; le rouge, le Fils, et la rédemption, le jaune, l’Esprit-Saint. « La diffusion de ces trois couleurs se veut une recherche en permanence de l’unité qui enveloppe tout l’univers » [9]Les vitraux des chapelles de Martigny, Fondation Pierre Gianadda, 2014, p 209 Pour lui, «c’est dans la vibration des couleurs que doit transparaître ce qui ne peut jamais être représenté» [10]Extrait du documentaire : SIVOM AMBERT – Père Kim, peintre de la lumière – Film de Christel GAY https://www.youtube.com/watch?v=4yw7K3GqhBg
Vitrail : Hommage à la Trinité. Source
Toutes les autres couleurs sont aussi largement présentes dans ses tableaux. Mais l’artiste attire particulièrement l’attention sur l’utilisation du blanc : «les parties blanches sont importantes dans ma peinture, et elles sont un héritage de ma culture coréenne. Peut-être sont-elles l’essentiel de mes créations. Ce qui compte dans une œuvre d’art, en musique, au théâtre, en littérature ou en poésie, c’est la résonnance. C’est le rôle des grandes parties blanches. Cela renvoie au mystère, à l’écho en nous. (…) l’espace libre n’est pas vide, mais plénitude.» [11]Les vitraux des chapelles de Martigny, Fondation Pierre Gianadda, 2014, p 63
La technique du thermoformage dont se sert Kim En Joong lui permet d’ajouter du relief à ses couleurs, de leur donner une dimension supplémentaire. Utilisée pour la chapelle de la Bâtiaz dédiée à Notre Dame de Compassion, elle symbolise pour l’artiste que « malgré nos peines, la lumière passe ». En outre, en jouant sur l’épaisseur du verre, il enrichit le vitrail de variations lumineuses : «Le relief incarne une forme de gratuité. Cette liberté n’existe que si on est là pour l’accueillir…» [12]Ibid. p 173
Vitrail : Reconnaissance. Source
Un cœur humble pour voir
Lorsqu’il parle de son travail, l’artiste explique «avant tout, il faut savoir que nous sommes de pauvres créatures, la première chose à acquérir, c’est la vraie humilité. Moi, je ne suis qu’un instrument, un petit instrument. Moi, je travaille comme ouvrier» [13]Extrait du documentaire : SIVOM AMBERT – Père Kim, peintre de la lumière – Film de Christel GAY https://www.youtube.com/watch?v=4yw7K3GqhBg
Si la condition de la réalisation du vitrail est l’humilité, elle est tout autant nécessaire pour en apprécier la valeur, la beauté : «on pense que cet art est réservé aux intellectuels, aux savants, mais ce sont eux qui sont insensibles, souvent. A Brioude [14]l’artiste évoque son travail à la Basilique de Brioude au début, il y a eu beaucoup d’oppositions. Et maintenant, ce sont les marchands de légumes, de fromages qui me saluent ! (…) La difficulté, ce sont les gens qui se considèrent grands» [15]Extrait du documentaire : SIVOM AMBERT – Père Kim, peintre de la lumière – Film de Christel GAY https://www.youtube.com/watch?v=4yw7K3GqhBg
Un cœur humble est comme le vitrail qui se laisse traverser par la lumière qui éclaire tout homme.
Regarder ici une vidéo réalisée en 2011 par CFRT/ France Télévisions, sur les vitraux de Kim En Joong à la basilique de Brioude, la romane.
References
↑1, ↑3 | Extrait d’une émission retransmise sur KTO tv : Kim En Joong : Espoir. https://www.ktotv.com/video/00103778/kim-en-joong-espoir |
---|---|
↑2, ↑5, ↑8, ↑10, ↑13, ↑15 | Extrait du documentaire : SIVOM AMBERT – Père Kim, peintre de la lumière – Film de Christel GAY https://www.youtube.com/watch?v=4yw7K3GqhBg |
↑4 | Père Kim, in Les peintres et le vitrail, vitraux français contemporains, 2014, p 150 cité in les vitraux des chapelles de Martigny, Fondation Pierre Gianadda, 2014, p 174. |
↑6 | ibid |
↑7 | Lettres au Père Albert Patfoort, 2014, p113 cité in les vitraux des chapelles de Martigny, Fondation Pierre Gianadda, 2014, p 119 |
↑9 | Les vitraux des chapelles de Martigny, Fondation Pierre Gianadda, 2014, p 209 |
↑11 | Les vitraux des chapelles de Martigny, Fondation Pierre Gianadda, 2014, p 63 |
↑12 | Ibid. p 173 |
↑14 | l’artiste évoque son travail à la Basilique de Brioude |