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Un vent de liberté souffle en Chine

de Paul Anel        23 décembre 2011

En l’espace d’une semaine, un village de fermiers de la province de Guangdong, en Chine, a fait fuir ses responsables officiels, a été encerclé par la police, et a finalement obtenu que le gouvernement chinois accède à toutes ses demandes. Récit d’un événement sans précédent, qui met en lumière un aspect peu connu des médias.

S’il est vrai que, depuis quelques années, la Chine a mis le terme « dissident » à la mode, c’est à une forme de dissidence toute nouvelle que le gouvernement chinois s’est trouvé confronté depuis une semaine. Cette fois, il n’est plus question d’intellectuels, d’artistes ou de Prix Nobel, mais d’un simple village de fermiers de la province de Guangdong. Ce petit village jusqu’alors sans histoire est d’ores et déjà passé dans l’histoire : en une semaine, il a fait trembler – et plier – le gouvernement chinois.

A l’origine de ce qui pourrait bien avoir été une des plus sérieuses menaces à l’encontre du pouvoir communiste en Chine, une affaire qui aurait dû rester sans conséquence : l’appropriation, par une compagnie chinoise, des terres de ce village, en vue de la construction d’un terrain de golf.

Décidés à ne pas se laisser ainsi dépouiller de leur bien, et de leur vie, les villageois s’en remettent à la médiation de Xue Jinbo, enfant du village, décrit comme un jeune homme droit et intelligent. Après plusieurs jours sans nouvelles de lui, la nouvelle tombe comme un coup de foudre : Xue Jimbo est mort au poste de police. Le diagnostique officiel dit : arrêt cardiaque. Mais c’est couvert de contusions, et certains membres brisés, que son corps est remis à sa famille.

Ce qui était une question de terre devient une question de vie : la colère qui monte du village est telle que bientôt, la police et les autorités locales décident de quitter les lieux, par peur de confronter les villageois. Pendant une semaine entière, Wukan fait monter vers le gouvernement, avec sa colère, une question qui souffle comme un grand vent de liberté: « Qu’en est-il de la justice en Chine ? Qu’en est-il de la valeur de la vie humaine ? » Le Dimanche 18 décembre, la situation est à deux doigts de tourner à la tragédie : le village est encerclé par un cordon de police qui s’élargit d’heure en heure. Le gouvernement est apparemment décidé à faire taire cette voix trop dérangeante.

Le même jour, le New York Times, qui a pu envoyer sur place un de ses journalistes, consacre un long article aux fermiers de Wukan, portant leur combat pour la justice à la connaissance du monde. Deux jours plus tard, le mardi 20 décembre, le gouvernement envoie aux portes du village un négociateur officiel, qui apporte aux villageois la promesse que leurs terres leur seront rendues, mettant ainsi fin aux protestations. « Si le gouvernement ne tient pas ses promesses, nous reprendrons nos manifestations », confie Yang Semao, le chef du village, à un journaliste de Reuters.

Je tire deux leçons de cette histoire. D’une part, la grandeur de ce petit village: grand, parce qu’animé par un grand désir, le désir de quelque chose de grand: la valeur de la vie, et l’amour de la liberté. Si insignifiante qu’ait pu paraître leur action dans un premier temps, elle s’est révélée capable de faire plier les autorités.

D’autre part : la responsabilité des médias. Les choses terribles n’ont guère besoin qu’on les médiatise: comme une trainée de poudre, la curiosité malsaine suffit à leur assurer une couverture mondiale. En revanche, il y a dans notre monde de beaux événements, des sursauts de liberté comme celui qui a animé Wukan. Ces mouvements-là sont fragiles, et disparaissent hélas bien souvent sans avoir atteint leur maturité, faute d’attention. Il est de la responsabilité des médias d’être attentifs à ces voix-là, ténues mais profondes, pour leur accorder l’attention qu’elles méritent, et ainsi les protéger contre ceux qui voudraient les faire taire. La vocation des médias n’est pas d’enregistrer passivement les événements du monde, mais de permettre que les battements du cœur humain soient entendus, aimés, protégés.

Diaporama photo réalisé par le New York Times: cliquez ici

 

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