2011 a tiré sa révérence et c’est l’heure des bilans, l’heure aussi des « best of ». On lisait dernièrement dans les informations « Les dix meilleurs tubes de l’année », « les dix meilleurs films de 2011 », « les dix meilleurs restaurants de l’année », « Les dix meilleures actions footballistiques de 2011 », etc. Depuis peu, une nouvelle catégorie est entrée dans la compétition, il s’agit des « meilleurs tweets » ! Le Figaro publiait ainsi « les dix tweets qui ont marqué l’année ». Parmi eux Wael Ghonim est devenu un symbole pour l’Egypte en appelant à la révolution. Ou encore une jeune japonaise faisait le tour du monde en postant sur son compte Twitter une photo du séisme au Japon quelques heures après l’événement.
CC BY Creative Tools
En voilà deux qui sont devenus célèbres par un tweet, par un click de leur souris ! Mais ils sont des millions d’utilisateurs à se connecter chaque jour sur Twitter, Facebook ou sur leurs blogs personnels, à accepter comme « amis » des personnes qui leur sont inconnues, à télécharger leurs photos de vacances ou de soirées voire celles de leur vie privée, à partager leurs pensées « philosophiques » et à actualiser leurs états d’âme heure après heure…
« Michel a mis à jour sa photo », « Jean-Pierre a mal à la tête », « Olivia aime Shakira », « Sophie et trois autres amis aussi », « Nicolas est en vacances », « Juliette aime Romeo », « Jean-Pierre va mieux », « Marie apparaît dans l’album de Robert » et « Nicolas a repris l’école »…
« Actualiser », « Mettre à jour », n’est-ce pas rattraper le temps passé et transcender l’espace et le temps pour se rappeler sans cesse à la mémoire des autres ? Chaque « moi » caché derrière un profil Twitter ou Facebook semble vouloir s’éterniser à travers une mise à jour constante de son existence. Le « moi » constamment actualisé appelle à témoin, il est à l’affût d’un bout d’espace public virtuel pour attirer l’attention, pour être vu, regardé, « aimé », « twitté » et qu’enfin, une telle reconnaissance puisse donner une certaine légitimité à son existence apparemment insignifiante, éphémère ou superficielle.
« L’homme a besoin d’éternité et toute autre espérance est pour lui trop courte, trop limitée », disait le Pape en se dirigeant aux chefs d’état et de gouvernement participant au G20 de Cannes.
Dans une société moins sécularisée, les hommes se tournaient plus spontanément vers Dieu, ils se savaient regardés et aimés de Dieu et trouvaient un sens à leur existence sans avoir besoin de la justifier artificiellement ou virtuellement. Ils avaient conscience que la vie leur était donnée gratuitement. Ils étaient, et cela suffisait à susciter leur gratitude. Twitter et ces autres instruments d’ « éternisation du moi » n’auraient surement pas eu le même succès au Moyen Age car l’homme était déjà en lien avec l’Eternel ; le rythme des saisons, le travail de la terre, les offices religieux… tout lui parlait de Dieu.
Finalement cette utilisation frénétique des réseaux sociaux, cet auto-affichage du moi n’est peut-être pas simplement un symptôme de narcissisme mais l’expression d’un mal-être, d’une rupture entre le temps qui passe, le « Chronos », et l’éternité, le « Kairos ». Les hommes d’aujourd’hui ont grandi dans une société qui n’a pas pris en compte leur appétit d’éternité et leur recherche spirituelle, ils traduisent alors leur désir d’infini avec les moyens que la modernité laisse à leur disposition. Si il y eut un temps les plus assoiffés recherchaient l’absolu dans les monastères où ils dédiaient leur vie à l’union intime avec l’Eternel, aujourd’hui, sans le savoir, une large communauté de millions de fidèles virtuels est à la recherche de ce même horizon précisément là où au contraire, elle pense le nier, se sentant dans l’air du temps, au top de la modernité !
Je trouve cette vision très juste. Elle montre l'unicité du désir humain à travers le temps et la pauvreté de la réponse moderne. Mais… Twittons sans hésiter, Points-Cœur est là !