Home > Musique, Danse > « Santé » de Stromae

Après des années de silence et de souffrance, Stromae, le chanteur belge ayant connu si jeune un succès international, nous offre un retour sur scène avec un thème sans surprise : “Santé”. Et pourtant, alors qu’il aurait été assez facile de glisser sur le sujet du moment au centre de toutes les conversations ou de s’arrêter sur ses propres soucis de santé l’ayant éloigné de la scène, Stromae ne tombe pas dans le panneau et invite ses fans à regarder ceux qu’on ne regarde pas: les simples, les petits, les marginalisés.

Mais de quelle santé parlons nous alors? Celle du cœur bien évidemment. Sous le bruit épuisant de bavardages incessants se cachent des personnes dont la vie simple et méprisée redonne pourtant, à ceux qui ne savent plus regarder, le chemin de leur cœur. Des visages d’hommes et de femmes aux traits tirés nous invitent à monter dans le train, à les rejoindre dans une danse toute simple, celle de la vie même, au cœur de laquelle se cache la tragique agonie de l’inutile, de l’épuisement, du mépris de ceux qui les gouvernent. Or ceux là même qui ne servent à rien, semblent porter le monde, il semblerait même, pour reprendre les paroles du poète argentin Jorge Luis Borges que “ces personnes, que l’on ignore, sont en train de sauver le monde”.

Au beau milieu du clip, ayant déjà suscité 11 millions de vues après seulement deux semaines, apparaît l’image de la Mère des pauvres et des touts petits. Au centre même du drame se cache la présence de Marie (2’56), Trône de la Sagesse sur les genoux duquel l’Enfant est assis, contemplant et soutenant la danse des simples et s’unissant à cette embrassade joyeuse de ceux qui sont comme des enfants, de ceux qui ont compris qu’il ne fallait pas prendre la vie trop au sérieux, que la santé du cœur prime sur la santé du corps, que rien ne peut arrêter la joie simple de ceux qui, comme les fils préférés du Père, jouent en sa présence, confiants dans cette Présence bienveillante. Les gens simples, ceux qui sont seuls et abandonnés savent goûter aux petites joies de l’existence, alors que leur vie toute entière est traversée par le drame de la souffrance. Nous percevons, dans ces visages abîmés des enfants de Dieu, les traits familiers du Père, à travers lesquels Stromae, semble discrètement nous inviter à regarder l’unique présence capable de soigner notre cœur malade.

 

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3 Commentaires

  1. merci de mettre en valeur le retour si réussi de Stromae, là ou on ne l’attend pas et toujours décalé avec l’esprit du monde !
    L’article rejoint l’intuition bien connue de Tolkien
    « Saroumane pense que seul un grand pouvoir peut tenir le Mal en échec. Mais ce n’est pas ce que j’ai découvert…Je crois que ce sont les petites choses, les gestes quotidiens des gens ordinaires qui nous préservent du Mal. De simples actes de bonté et d’amour ».
    « II faut prendre cette route, mais elle sera très dure à parcourir. Et ni la force ni la sagesse ne nous mèneront bien loin. Les faibles peuvent tenter cette quête avec autant d’espoir que les forts. Mais il en va souvent de même des actes qui meuvent les roues du monde : de petites mains les accomplissent parce que c’est leur devoir, pendant que les yeux des Grands se portent ailleurs ».

  2. Constance

    C’est aussi l’intuition de Cristian Warnken, exprimée dans un article paru sur Terre de Compassion « Éloge d’un gardien de nuit » :

    « Sándor Márai, le grand romancier hongrois, a dit que les personnages qui l’émouvaient le plus étaient les êtres anonymes : tel qui trie le courrier à la poste, le garçon qui te sert un café, la dame qui nettoie les toilettes de l’hôtel après ton passage, en définitive, tous ceux qui font tourner le monde. La grande littérature russe – Dostoïevski, Gogol, Tchekhov – est pleine de ces figures. C’est Akaky Akakievich, le malheureux personnage du Manteau. C’est Benjamin Menares, le garde de nuit de notre place, scintillant comme une étoile de plus parmi des millions d’étoiles éteintes dans la nuit. Le monde changera quand ce seront eux qui feront les titres des journaux, non pas pour un scandale, une épopée ou un bêtisier : cela arrivera quand nous nous intéresserons en vérité à la lumière particulière qui émane de chacun d’eux. Si le monde ne s’écroule pas dans l’instant, c’est parce qu’il y a beaucoup de Benjamin Menares qui veillent sur lui – peut-être sans le savoir – dans leurs « Deltas » respectifs. »

    Dans un ouvrage paru tout récemment aux Éditions Chora, Sous le volcan, il fait l’éloge, dans la seconde partie de son recueil, de ces justes, ignorés, mais qui, silencieusement, maintiennent le monde.

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