La vidéo de Noël de l’Université catholique de Valence (UCV), inspirée par la DANA qui a dévasté des villages entiers et coûté la vie à plus de 200 personnes à Valence, a fait le tour du monde en quelques jours. Mais pourquoi cette vidéo touche-t-elle tant les cœurs ? Quelle est l’histoire qui se cache derrière ?
Lucía Garijo est directrice d’un laboratoire audiovisuel à l’UCV. Ce laboratoire a été créé à l’université pour diffuser l’anthropologie chrétienne et susciter le questionnement du public. Le directeur de la communication lui a confié la tâche de créer le message de Noël de l’université, mais elle ne s’attendait pas à ce que sa vidéo soit vue par autant de personnes. « Mon Dieu ! c’était une vidéo pour l’université et soudain, elle a été visionnée par des milliers de personnes ».
Lucía Garijo (Valence, 1994) a étudié les beaux-arts à Valence, et a obtenu son diplôme en réalisant un documentaire sur la théologie du corps de saint Jean-Paul II. Elle est également titulaire d’une maîtrise en sciences humaines à l’université Francisco de Vitoria et d’une maîtrise en documentaire créatif à l’université autonome de Barcelone.
Lucía Garijo
« La vérité, c’est que l’origine de l’idée a été un cadeau », dit Lucía. Tout a commencé dans l’après-midi du 29 octobre, lorsque la DANA a dévasté des villages entiers de la côte est de l’Espagne, principalement à Valence.
Julieta, sa grand-mère, est décédée à Utiel. Elle vivait « dans une de ces maisons basses. C’était la plus proche de la rivière. Elle a été touchée de plein fouet. Il n’en reste même pas les murs », raconte Lucía. Lorsqu’elle a appris la mort de sa grand-mère, elle est tombée malade, est restée au lit avec de la fièvre et n’a pas pu bouger pendant cinq jours. Comment faire face à un tel désastre et à la perte d’un être cher ? « J’avais besoin que mon travail soit lié à ce qui se passait. Je ne pouvais pas faire l’impasse sur les questions humaines que cette catastrophe soulevait ». Au travail, l’examen des calendriers et des échéances lui donnaient envie de vomir : « J’étais incapable de réfléchir sérieusement. J’avais juste besoin de mettre mes bottes et d’être là », dans la boue.
A ce moment, rien ne pouvait être fait à Utiel, où vivait sa grand-mère. Elle s’est donc rendue avec sa paroisse dans d’autres villages. « Je rentrais chez moi les yeux pleins du dévouement des gens ». En entrant dans la maison, « pleine de fatigue et de boue », elle trouve sa mère avec les mains boueuses. Pilar, la mère de Lucia, est céramiste et travaillait sur des figurines pour une crèche. « À ce moment-là, je me suis presque mise à pleurer parce qu’en voyant cette crèche, j’ai vu un Dieu fait de boue, de la même boue que celle que j’avais vue ce matin-là », avoue Lucia, qui a eu à ce moment-là l’idée de cette vidéo.
Providentiellement, elle a rencontré des personnes qui ont contribué à la réalisation de la vidéo : un professeur de théologie : « c’est pour cela qu’elle a cette profondeur théologique, parce que j’avais beaucoup de choses dans le cœur, mais il lui a donné une structure et une consistance que je ne suis pas capable de donner toute seule ». Un ami céramiste a prêté ses mains pour le tournage de la vidéo ; d’autres, l’atelier pour le tournage ; quelques images ont été prêtées par une société de production qui travaille pour l’Opus Dei…
Lucía affirme : « tout cela a été d’une grande aide pour faire le deuil de ma grand-mère, parce qu’il m’a permis de regarder au fond de moi. On se demande : où ai-je mis mon espoir ? dans la récupération de la maison » ?
En ce temps de l’Avent et à quelques jours de Noël, elle considère que « le scandale qu’est notre foi est placé devant nous : un Dieu incarné. Dieu n’est pas dégouté de nous, de notre boue. Cela a été un cadeau de découvrir la profondeur de notre foi. Nous avons une foi impressionnante, très belle, très puissante, capable d’être à la hauteur de la douleur. Parce qu’ici, devant ce drame, il ne suffit pas d’une phrase rapide ».
Avec toutes ces pensées dans son cœur, Lucia se demande : « Qu’allons-nous faire pour Noël, allons-nous faire comme si de rien n’était, avec des paillettes partout ? Non. Le premier Noël a été une naissance dans la boue. Dans cette crèche, il y aurait de la boue ».
« C’est une joie de voir qu’avec quelque chose d’aussi simple qu’une vidéo de deux minutes, les gens peuvent s’arrêter et regarder la signification de ce que nous avons vécu et du temps liturgique qui nous attend. Mon cœur bondit de joie à l’idée que les gens pourront regarder le ciel à travers cette vidéo et toucher la beauté de la foi. »
Texte de la vidéo :
Au début, tout n’était que chaos.
La boue nous a tout pris. Travail. Maison. Des morceaux de nous-mêmes.
Et elle nous a laissés comme ça, avec des absences que nous ne savons pas comment combler.
Mais toi, tu as pris cette boue humide, de pluie ou de larmes, je ne sais, et tu l’as fait berceau.
Mille fois j’ai vu tes mains de potier. Tu as soufflé ton haleine, et la boue s’est réveillée.
Et cette boue a pleuré si fort qu’elle a fait mal, nous exhortant, sans mots, à nous unir pour te sauver. Je voulais que tu me sauves de la boue, mais tu as voulu devenir boue. Et je t’ai vu dans cette unité que je croyais oubliée. Parce que la douleur nous a rappelé que nous étions frères.
Tu fais naître l’humain de la boue. Ta naissance a rempli cette boue de gloire
et maintenant nous naissons pour ne plus mourir.
Alors cette année, en ce Noël sans paillettes, plus proche du premier, dans nos villes-étables, l’espoir ne réside pas dans le fait que tout soit parfait.
Nous allumons des lumières parce que nous les avons vues briller dans la plus grande obscurité.
Nous offrons des cadeaux parce que, dans chaque geste, tu nous as dit : « Je te regarde, tu es important pour moi ».
Nous décorons les arbres parce que leur vert, qui ne meurt jamais, nous rappelle l’espérance.
Ce Noël, la boue devient mémoire. De ceux qui sont partis et de ceux qui nous ont soutenus sans mots. Comme toi, Enfant-boue, qui ne parle pas, mais qui est là.