Home > Politique > Maria Santos Gorrostieta : le service jusqu’au bout

Maria Santos Gorrostieta : le service jusqu’au bout

Les nouvelles de la vie politique ne sont pas toujours très élogieuses envers les personnes qui en ont la charge. Aujourd'hui c'est tout le peuple mexicain qui découvre le courage incroyable d'une femme qui a été jusqu'au bout non seulement de son engagement politique mais aussi de sa foi.

Maria Santos Gorrostieta, médecin, est entrée en politique à moins de 30 ans, lorsqu’elle fut élue maire de Tiquicheo (Etat de Michoacán, Mexique). Rapidement sa politique en faveur des plus pauvres et son franc-parler contre les narcos en font une cible de choix. Son mari José Chavez échappe à un premier attentat début 2009 mais succombera à un second en octobre de la même année. Elle-même sera grièvement blessée. Devenue veuve et mère de 3 enfants elle continue son combat politique et échappe à un second attentat en janvier 2010. Atteintes de trois balles elle n’hésitera pas à publier les photos de son corps ainsi mutilé. C'est de là que date la courageuse déclaration du pourquoi de son engagement politique. Nous en reproduisons quelques extraits[1].  S’y dégagent de fortes qualités chrétiennes si conformes à la mission des laïcs de présence au coeur des structures temporelles. On y trouve entre autres les points suivants :    

La vie comme abandon à la volonté de Dieu :
« Il est indéniable que la vie parfois nous visite avec la souffrance et les vexations sans que nous en comprenions totalement le sens. Souvent nous nous montrons orgueilleux et rebelles face aux desseins de Dieu. Cependant, et pour ma plus grande douleur, j’ai eu à supporter des pertes que je ne souhaite à personne et j’ai dû les accepter avec résignation et sagesse comme volonté de Dieu, et j’ai dû continuer à avancer avec cette blessure dans l’âme ».

La vie politique comme service inlassable auprès des plus nécessiteux :
« Je sais que la vie souvent nous surprend, nous afflige et nous entraîne là où nous ne voulons pas aller. Ceux qui me m’entourent savent bien que mon existence n’a pas été facile, que j’ai été confrontée à des épreuves et à des malheurs. Cependant, même au détriment de ma propre sécurité et de celle de ma famille, je ne peux repousser la responsabilité que j’ai de mes gens, des enfants, des femmes, des personnes âgées et des hommes qui se tuent chaque jour au travail sans repos afin de rapporter un peu de pain à leurs enfants. C’est une grande responsabilité, comme maire de cette ville, que celle de travailler à leur apporter l’aide, les programmes et les soutiens dont ils ont besoin pour améliorer l’économie et la qualité de vie des tiquichenses ».

La compassion comme source de l’action politique :
« La tristesse la plus grande que puisse vivre un être humain c’est la douleur de l’âme, souvent très peu comprise par les personnes qui nous entourent, tout simplement parce qu’elles ne l’ont pas vécue ou sont indifférentes devant la souffrance des autres. Ma vie, ces derniers mois, a été traversée par des échecs que je ne pense pas sincèrement avoir mérités car mes objectifs ont toujours été de travailler à améliorer la qualité de vie de mon peuple, à donner aux personnes les outils afin de pouvoir affronter la difficile situation économique commune ».

La persévérance jusqu’au bout, ne pas regarder en arrière :
« A d’autres moments de ma vie j’aurais peut-être renoncé à ce que j’ai, à mes responsabilités comme maire de mon cher Tiquicheo mais maintenant non, je ne peux pas ne pas avancer alors que j’ai 3 enfants que je dois éduquer par l’exemple, alors que je possède le souvenir de l’homme de ma vie, du père de mes petits, celui qui a su m’enseigner la valeur des choses et à lutter pour elles. Même s’il n’est plus avec nous, il reste la lumière qui guide mes décisions, et chacune d’entre elles est prise afin de sortir ma municipalité du fond où elle se trouve.
C’est vrai que j’ai été attaquée physiquement et moralement. Dans mon corps je peux palper encore les blessures des balles (…) »

L’engagement est un engagement de toute la personne. Le courage n’est pas la négation de nos sentiments mais bien leur transfiguration au service d’une cause qui nous dépasse :
« Même si je me montre comme quelqu’un de fort et inébranlable, il y a au-dedans de moi une femme fragile, rêveuse, romantique, mère, mais avec une détermination indestructible pour continuer ma mission de service au sein de cette administration pour laquelle j’ai été élue et pour aider ceux qui sont les plus dépourvus et qui continuent à vivre dans un état de grande vulnérabilité ».

Sa lettre se termine sur une réflexion à propos de la liberté, d’une liberté qui, au service du bien, est aussi responsabilité :
« J’ai parcouru un long chemin jusqu’à la liberté, j’ai essayé de ne pas m’arrêter. Il m’est arrivé de faire des erreurs mais j’ai découvert le grand secret : lorsqu’on monte sur une colline, on s’aperçoit qu’il y en a beaucoup plus. Je me suis permise un moment de repos afin de contempler le glorieux panorama qui m’entoure, le chemin parcouru mais je ne peux me reposer qu’un instant car la liberté implique aussi la responsabilité. Je ne peux donc rester là où j’en suis car mon chemin n’est pas encore terminé[2]. La trace que nous laissons en ce monde dépend de batailles que nous perdons et de la loyauté que nous y mettons. Aujourd’hui c’est un privilège que de pouvoir faire partie de l’histoire de Tiquicheo ».

Le 12 novembre dernier Maria Santos Gorrostieta, qui n’avait plus de protection policière depuis une année, a été kidnappée alors qu’elle conduisait sa fille à la crèche. En échange de la vie de sa fille, elle accepta de suivre sans résistance ses ravisseurs. Le 20 novembre, son corps sans vie mais martyrisé a été retrouvé et identifié.

Maria avait toujours placé la foi comme source de son action politique. Lors d’une entrevue télévisée, elle disait : « Beaucoup de personnes me demandent pourquoi continuer ainsi malgré toutes les lésions, les dommages et les attentats. Je réponds simplement que c'est la volonté de Dieu, c'est la volonté de Dieu qui est première, volonté de Dieu qui justifie cet engagement pour tous[3] ».

Pour Maria Santos Gorrostieta l’annonce du Christ, avant d’être une suite de mots fut d’abord une identification à Sa vie. Identification qui s’incarna par le don de sa personne tout au long de sa carrière avant d’arriver au don final.


[1] L’intégrale de cette déclaration est sur le site « Atlantico ». Dans le corps de l’article, cliquez sur le link « message à ses concitoyens ». http://www.atlantico.fr/rdvinvite/mort-maria-santos-gorrostieta-martyre-et-heroine-mexicaine-enflamme-toile-louise-hoffmann-557646.html#3GG0sG9h9AdFxx0i.99
[2] Cette dernière réflexion fait penser au poème de Robert Frost qu’aimait citer le père Ceyrac, autre grande figure de don total à son peuple : « The woods are lovely, dark and deep. But I have miles to go ans promises to keep before I sleep ». (« Les forêts sont belles, noires et profondes. Mais j’ai du chemin à parcourir et des promesses à tenir avant de me reposer »).
[3] Cf. http://www.youtube.com/watch?v=_7dOYLW64oU&feature=youtu.be

Vous aimerez aussi
La vocation d’une université catholique à la lumière de l’enseignement de Benoît XVI
Au sujet de la vérité
La liberté, c’est donc être?
Mais qu’est-ce que la vérité ?

4 Commentaires

  1. Pierre D.

    C'est vraiment étonnant cette lucidité et ce courage. Merci de nous faire découvrir cette femme dont la vie est un signe lumineux. Quelle ressource, quel potentiel est déposé dans le coeur humain. Et lorsque cela passe à l'acte, c'est plus qu'émouvant  … Merci. 

  2. MB

    C'est un témoignage bouleversant. Quel encouragement et quel exemple pour ceux qui ont les mêmes responsabilités … et pour chacun d'entre nous, finalement. Elle a vécu pleinement sa vocation laïque. Merci de nous la faire découvrir.

  3. Jean-Marie

    Une amie mexicaine qui vit à Berlin me disait : "C'est vraiment terrible que quelqu'un comme elle ait pu tomber entre les mains de ces gens, si jeune mais surtout laissant ses enfants sans mère. Pour moi comme mexicaine c'est une honte sans nom, d'autant plus que malgré le nombre de personnes qui désirent de tout leur coeur que cela finisse, c'est une histoire qui semble sans fin."
    On pourrait dire aussi: l'existence d'une telle femme est l'orgueil du Mexique. Quelle culture, celle qui permet à de tels destins d'exister !

    1. Arnaud de Malartic

      En effet le but d'un tel article est plus à voir sous l'angle de l'espérance que de l'horreur. La vie de cette femme montre qu'il existe aujourd'hui sur cette terre des personnes admirables qui vont jusqu'au bout de leur amour pour leur peuple et pour Dieu. Plus qu'un exemple d'une énième barbarie c'est un exemple de courage et de perséverance et le peuple mexicain peut être fier de compter une telle femme parmi ses enfants.  

Répondre