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Les attentats d’Al-Qaa et la protectrice de l’unité libanaise

Al-Qaa, petit village libanais, a été visé par les takfiristes (ceux qui tuent au nom de la religion). Symbole de la coexistence entre chrétiens et musulmans dans la Békaa, situé à quelques kilmomètres de la frontière, le village a accueilli dernièrement de nombreux réfugiés syriens (30.000). Il est aussi présent dans la mémoire des libanais en général et des chrétiens en particulier, pour avoir payé très cher le prix de cette coexistence.

27 juin, deux vagues d'attaques kamikazes ont frappées le village : l'une peu avant l'aube, l'autre, dans la soirée. Après la première explosion, les vilageois se sont rassemblés pour porter secours aux blessés. C'est alors que 2 autres terroristes ont actionné leur ceinture d'explosifs. Comme un seul homme, les villageois chrétiens comme musulmans en ont repéré un troisième qu'ils ont pu abattre avant qu'il ne puisse actionner sa ceinture. Un peu plus tard dans la soirée, le village était de nouvau attaqué par 3 autres kamikazes à moto devant l'église et la mairie. En plus des meurtriers, ces attentats ont tué six personnes (5 gréco-catholiques et un maronite), et blessés plus de 13 autres dont des soldats. 

Ce jour était la date d'un funeste anniversaire pour Al-Qaa. 38 ans plus tôt, le 27 juin 1978, ce petit village frontalier a vécu un drame semblable, à 200 mètres de l’église gréco-catholique, offrant 26 jeunes martyrs chrétiens, en pleine guerre civile. Comme à l'époque, le but des attaques étaient de déstabiliser l'harmonie entre chrétiens et musulmans afin de pousser les gens à la guerre. Cette coexistence libanaise est en effet un message pour le monde entier. A quelques pas du village se trouve un sanctuaire dédié à la Vierge Marie, vénéré par les chrétiens comme par les musulmans. La Aadra (la Mère) ne serait-elle pas la protectrice de cette coexistence fragile ? 

 Vierge d’Al-Qaa, vénérée par les chrétiens comme par les musulmans
 

Cette attaque est survenue un mois après la fête de l'inscription sur la carte du tourisme religieux international du sanctuaire de Saydet el-Mantara (Notre-Dame de l'Attente) des grecs-melkites à Maghdouché, au sud du Liban. Pour cette célébration se sont réunis chrétiens et musulmans. L’ancien premier ministre libanais Fouad Siniora et Madame Bahia Hariri (musulmans sunnites), l'épouse du président du Parlement actuel, Randa Berry (musulmane Chiite), étaient présent ce soir là parmi d’autres personnalités musulmanes des pays voisins comme la Jordanie et la Palestine. Tous accompagnaient les prières et les cantiques chrétiens adressés à la Aadra dans ce lieu unique, comme le soulignait le ministre du tourisme libanais Michel Pharaon : « un lieu saint visité en personne par la Vierge Marie elle-même et non pas un simple lieu d'apparition, d'où sa spécificité ».

Chrétiens et musulmans réunis autour de la Vierge
 

Cette grotte naturelle creusée dans la roche, découverte par hasard par un berger en 1720 avec une icône de la Vierge datant du VIIe ou du VIIIe siècle, placée sur un autel, servait de lieu d'attente, dans la prière, pour la Vierge Marie. Une grotte qui a été vénérée très rapidement par les premiers chrétiens, mais qui ensuite, à cause des tremblements de terre et les invasions successives que le village a subis, a été couverte et perdue de vue pendant plusieurs siècles. Mais les villageois ont toujours vénéré ce lieu comme un lieu saint, comme l’indique le nom même du village : Maghdoucheh (en syriaque : Makdousch, ou moukadacha) qui veut dire « Saint », le saint village, avant même la redécouverte de la Grotte.

Cette grotte, témoin de la prière de la Vierge Marie qui attendait Son Fils.  
 
La Vierge, étant une femme juive, selon la tradition d'alors, il lui était interdit d’accompagner Jésus dans les régions païennes, donc elle attendait son retour de ses pérégrinations à Cana, Sidon, Tyr et Sarafand. Par conséquent, comme Sidon était une ville cananéenne et donc païenne, Marie attendait son fils dans cette grotte à Maghdouché, située sur la route romaine qui reliait Jérusalem à la côte libanaise.
 
L’attentat qui a visé ce matin ce lieu si unique d’Al Qaa, car il est symbole de coexistence des chrétiens et musulmans, est le signe de ce déchainement du mal contre l’œuvre de la Mère qui unit, dans ce tout petit pays, chrétiens et musulmans, faisant du Liban un message pour le monde entier (Jean Paul II lors de sa visite au Liban en 1997). Mais ce mal, si douloureux, quelles qu'en soient les conséquences, n’aura jamais le dernier mot, car il est déjà vaincu ! Et le peuple libanais, par sa foi et sa fidélité à cette expérience de coexistence vécue depuis des siècles, continue à le montrer quotidiennement, au prix du sang de ses martyrs.
 

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