Home > Société > Un pauvre crie, le Seigneur l’entend

Un pauvre crie, le Seigneur l’entend

Pour la première Journée Mondiale des Pauvres, la Pologne participait très activement à la promotion d’une « culture de la rencontre ». Impressions de Cracovie. 

Dans le message pour la première Journée Mondiale des Pauvres en 2016 (voir notre article), le pape François adressait aux fidèles les paroles de Saint Jean Chrysostome : « Si vous voulez honorer le corps du Christ, ne le méprisez pas lorsqu’il est nu ; n’honorez pas le Christ eucharistique avec des ornements de soie, tandis qu’à l’extérieur du temple vous négligez cet autre Christ qui souffre du froid et de la nudité ». Suite à la rencontre en 2016 des personnes en situation de précarité avec le pape, le dimanche précédent la fête du Christ-Roi leur sera désormais dédié. 

En offrant à l’Eglise une Journée Mondiale des Pauvres, le pape a exprimé le profond désir que non seulement le 19 novembre, mais aussi durant toute la semaine précédente, les communautés chrétiennes s’engagent dans la préparation de rencontres amicales marquées par la solidarité et l’aide concrète. Nous pensons souvent aux plus pauvres comme les destinataires de nos bonnes actions. Ce faisant, nous risquons d’oublier qu’ils ont un visage. Pour le pape, cet évènement doit contribuer à ce que notre style de vie soit toujours plus façonné par une culture de la rencontre.

La tente de la rencontre

L’archidiocèse de Cracovie a répondu à cette invitation d’une façon exceptionnelle. Mardi 14 novembre fut dressé dans le centre de Cracovie une immense tente blanche, dans laquelle jusqu’au dimanche les personnes dans le besoin, non seulement reçurent un repas chaud, mais purent aussi bénéficier des conseils de spécialistes, médecins, psychologues ou encore avocats. De nombreux ateliers furent par ailleurs mis en place dans la tente : des ateliers photographiques qui s’achevèrent par un vernissage avec les photos des participants, des ateliers philosophiques, des ateliers culinaires ou encore des ateliers d’écriture. Des projections de films ou encore des concerts eurent aussi leur place dans le programme. Enfin, tout au long de la semaine, l’opportunité était donnée d’une véritable métamorphose de l’apparence grâce aux soins de stylistes, de coiffeurs et la mise à disposition de nouveaux vêtements. 

Ainsi, dressée au centre de Cracovie se trouvait la tente baptisée « Tente de  la Rencontre » comme celle où Moïse dans l’Ancien Testament rencontrait Dieu face à face.

Les pauvretés de notre temps

Nous sommes appelés, à tendre la main aux pauvres, à les rencontrer, à les regarder dans les yeux, à les embrasser, pour leur faire sentir la chaleur de l’amour qui rompt le cercle de la solitude. En effet, comme le dit le pape : « Si nous voulons rencontrer réellement le Christ, il est nécessaire que nous touchions son corps dans le corps des pauvres couvert de plaies, comme réponse à la communion sacramentelle reçue dans l’Eucharistie ». L’affiche évocatrice faisait la promotion de cet événement : une figure à deux visages. A gauche le visage ridé d’un homme sans abri. A droite le visage de Jésus. 

La pauvreté de notre époque revêt différents visages. Il y a la pauvreté matérielle, l‘absence de domicile fixe, la crise migratoire, la violence, l’addiction, la maladie, la vieillesse, la solitude, etc. Elle a le visage des amis que je rencontre chaque semaine dans les jardins de Cracovie, pour qui nous préparons des sandwichs, du café et du thé avec la communauté San Eggidio. Et bien que d’habitude le groupe soit nombreux, ce mercredi 15 novembre, il n’y a pas grand monde.  Où sont  nos amis ?  Ils se trouvent dans la Tente de la Rencontre. Comme Ewa, si fière de sa nouvelle coiffure qui joue avec passion avec ses amis à des jeux de société. Comme Krzystof  qui prépare avec des volontaires la jam session du samedi. Comme Stanisława totalement absorbée dans les conversations. 

Au delà de l’initiative, un visage

Je rencontre Ania alors qu’elle sort de la Tente. Son regard triste est perdu dans le vide. Je prends des nouvelles de Fabian. Elle répond que son état de santé s’est malheureusement empiré. Ce jour là, ils sont allés ensemble à la Tente de la Rencontre voire le médecin. Et bien que celui-ci les a mis en contact avec l’hôpital, elle me dit : « ça ne peut pas nous aider, lui, pour rien au monde il n’ira à l’hôpital ». Demain ils retourneront à la Tente de la Rencontre, chez ce médecin. Peut-être leur donnera-t-il un médicament. Ils y retrournerons pour manger quelque chose, se réchauffer, remplir le thermos de thé… 

Au bout d’une heure de conversation, le regard d’Ania quitte enfin ce point inexistant dans le vide. Ania me regarde et me sourit. Même si nous n’étions pas sous cette grande toile blanche, cette heure fut sans aucun doute la Tente de la Rencontre. 

Le 19 novembre, en ce dimanche dédié aux pauvres, l’Eglise a indiqué aux fidèles un sûr chemin vers Dieu. Elle rapelle à chaque chercheur de Dieu que, lorsque comme Marie il se tient au pied de la croix des hommes, il rencontre Jésus. 

Vous aimerez aussi
Élections en Pologne : où allons-nous ?
Le Pape est le seul à vouloir réellement la paix
Cela vaut la peine d’assister à une béatification (II)
Cela vaut la peine d’assister à une béatification (I)

1 Commentaire

  1. Clement Imbert

    J'apprends aujourd'hui par l'auteur de cet article que Fabian est décédé il y a quelques jours. La nouvelle lui a été annoncée par Ania lors de sa dernière visite dans les jardins du centre de Cracovie. "Rien de pire que la solitude dans la rue" lui partageait-elle. Je confie à vos prieres le repos de l'âme de Fabian et Ania restée seule.