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Baalbek : la musique réunit ce que la politique a divisé

Des musiciens de l’Orchestre philharmonique du Liban se sont retrouvés lors d’un concert dans l’ancienne ville de Baalbek, au nord-est du Liban, le dimanche 5 juillet 2020. Ce concert avait pour but d’être un message d’unité et d’espérance pour le peuple libanais qui traverse une crise économique et financière sans précédent ; une invitation à se retrouver dans un lieu si cher au cœur de tous les Libanais, sans exception : le temple de Bacchus, les colonnes de Baalbek !

 

Temple de Bacchus – Baalbek

 

Au milieu de ce grand chaos politique et économique que traverse le Liban, surgit cette initiative musicale qui réunit le peuple libanais dans sa diversité religieuse et ses divisions politiques. Pour la première fois depuis le lancement du Festival international de Baalbek en 1956, le concert de cette année se déroule sans public, à cause des précautions prises contre le coronavirus. Il a été diffusé en direct sur les chaînes de télévision locales et sur les plateformes de médias sociaux. « Nous ne pouvions pas avoir d’audience, car il est impossible d’amener 2 000 à 3 000 personnes à Baalbek, alors nous avons décidé d’amener Baalbek dans les maisons des gens », a déclaré Nayla de Freige, présidente du festival, à la chaîne de télévision locale LBC.

Le concert de 150 musiciens et choristes s’est ouvert par l’hymne national suivi de « O Fortuna » de la cantata « Carmina Burana » de Carl Orff. Le concert comprenait un mélange de musique classique, dont Beethoven et Verdi, ainsi que des airs des frères Rahbani, compositeurs libanais, un hommage à la chanteuse si chère au cœur de tous les libanais, Fairouz. Des poèmes de Gibran Khalil Gibran ont été également récités par l’acteur Rafik Ali Ahmad, accompagnés de la musique de Gabriel Yared [1]musicien appartenant à la diaspora libanaise .

 

L’Orchestre philharmonique du Liban

 

Mais comment cette initiative a-t-elle commencé ?

Le Liban traverse depuis octobre dernier la crise économique la plus douloureuse de son histoire. Cette crise se traduit notamment par une raréfaction du dollar sur le marché ; par la tension interne entre ses différents partis politiques sur la question du refus du Hezbollah de rendre ses armes à l’armée libanaise, sur la grande influence de ce parti chiite sur la politique libanaise (nationale et internationale) ; par l’attachement du  gouvernement et des politiciens au pouvoir plutôt qu’à l’intérêt général du pays. Le peuple Libanais, depuis quelques mois, se trouve confronté à des crises sans issue : le prix des produits dans les supermarchés a triplé, des entreprises ont dû être fermées, plus de 50% de la population  a perdu son travail, ou touche la moitié de son salaire qui ne vaut plus rien ; les gens n’arrivent plus à récupérer leur argent des banques… Même pendant la guerre qui a ravagé le pays pendant 25 ans, le peuple Libanais n’avait pas souffert d’une pareille faim. Le dollar américain valait 1515 livres libanaises il y a 3 mois, aujourd’hui, il a atteint les 10.000 livres libanaises dans le marché noir.

Là où la politique semble avoir mis le pays vers une situation désespérante, la beauté de la musique vient redonner vie et espérance. « Le Liban, un petit bout du Ciel sur la terre … » comme aimait le chanter le grand Wadih el Safi avec sa voix si puissante.

C’est dans ce contexte politique et économique si douloureux, que le chef d’orchestre libanais Harout Fazlian prend l’initiative de proposer aux libanais de sortir, ne serait-ce que pour une soirée, de leur débats politiques (souvent inféconds ces derniers temps !), de laisser ce qui les divise pour être saisis par la beauté de la musique. Le Maestro propose à son peuple de refaire mémoire du trésor de leur véritable unité : leur culture commune si riche. Pourquoi ne pas réunir les libanais et leur redonner l’espérance à travers un moment de repos dans la beauté de la musique, dans ce lieu si cher à tous les libanais : Baalbek !

Il a suffi que le Maestro propose l’idée pour éveiller ce désir dans le cœur de 170 musiciens qui ont été plus que ravis de répondre à cet appel, pour jouer (gratuitement !) un concert d’1h, dans le temple de Bacchus à Baalbek. L’acteur Rafik Ali Ahmad disait : « moi, en tant que citoyen libanais, angoissé en ce moment par la situation de mon cher pays, j’avais besoin de revenir plus que jamais à la beauté de l’art, à faire mémoire des grands artistes de notre pays à travers leur musique et leur poésie, dans ce lieu si riche de l’histoire de notre pays et de notre culture : Baalbek. » Là où la politique divise, les colonnes de Baalbek et leur musique réuniront : ne serait-ce que pour le temps d’une soirée, les libanais, tous, chanteront d’une seule et même voix, leur regard sera orienté vers ces éternelles colonnes de Baalbek, témoins vivants du trésor commun de tout le peuple libanais depuis des siècles.

 

Le concert commence à 14’00 »

References

References
1 musicien appartenant à la diaspora libanaise
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1 Commentaire

  1. Emmanuelle

    Merci aux artistes dont le rôle est si important, plus encore en temps de crise, car nous avons besoin de beauté pour vivre!