d'Eléonore de Rohan Chabot 26 mai 2011
Le 13 avril dernier, les Péruviens étaient appelés aux urnes pour élire leur nouveau Président de la République. Si les candidats étaient nombreux, cinq d’entre eux se disputaient de près l’accès au deuxième tour.
Palais présidentiel à Lima (Pérou) CC Skoobs@
Depuis dix ans, le Pérou connaît une croissance qui fait rêver beaucoup de pays et il se trouve être l’un des pays les plus stables d’Amérique Latine. Conséquence de cela, les trois candidats libéraux avaient les meilleures places dans les sondages : Alejandro Toledo, ex-président 2001-2006 et successeur d’Alberto Fujimori, Pedro-Pablo Kuscinsky, qui avait été son ministre de l’économie, et Luis Castañeda, jusqu’en 2010 maire de Lima.
La stupeur a frappé Lima le soir des élections car les trois ont été évincés au profit de deux candidats moins attendus au second tour : le premier est Ollanta Humala (30%) et la seconde Keiko Fujimori (23%), fille de l’ex-président Fujimori, âgée de 35 ans. Si ces résultats ont pris de court les habitants de Lima, ils sont en fait conformes à la voix du Pérou dans son ensemble, et sont bien l’expression du mécontentement d’une grande part de la population du pays. Si Lima en dix ans de croissance est devenue une capitale importante et que le niveau de vie y a considérablement augmenté, force est de constater que le reste du pays, en particulier la Sierra (cordillère) et la Selva (forêt amazonienne) sont complètement à l’écart de ce développement. Les chiffres parlent d’eux-mêmes quand on sait que 35 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et 11% sous le seuil de l’extrême pauvreté. L’éducation et de la santé dans ces zones où les conditions de vie sont particulièrement difficiles, à cause des conditions climatiques, géographiques et sociales, sont minimales. La majorité de leurs habitants vivent de troc de produits de première nécessité. Cela explique aussi que l’exode massif vers Lima continue, transformant la capitale en une mégapole aux proportions inhumaines.
Keiko Fuimori et Ollanta Humala
Le vote massif des provinces en faveur de Keiko Fujimori et d’Ollanta Humala manifeste leur sentiment d’exclusion et de mécontentement envers des gouvernements qui oublient les provinces et les pauvres du pays et qui ne savent pas faire profiter tous les péruviens des richesses et bénéfices du pays. Ces deux candidats ont centré leur campagne sur ces régions ainsi que sur les quartiers périphériques de Lima, promettant d’apporter le changement.
Mais la peur s’est emparée des secteurs d’activité. En effet, Ollanta Humala est un radical nationaliste qui ne cache pas son amitié et admiration pour le vénézuélien Hugo Chavez. Ce militaire de carrière en retraite est partisan de la méthode forte en matière de sécurité et d’autorité. Son plan de gouvernement vise entre autre à une restriction des investissements étrangers et à la nationalisation de plusieurs secteurs.
Son adversaire Keiko Fujimori est fortement mis en cause par ceux qui redoutent une répétition du système politique de son père, aujourd’hui en prison pour crimes contre les droits de l’homme et crimes contre l’humanité. Ce gouvernement, s’il avait mis fin au terrorisme du Sentier Lumineux, avait vu le fleurissement de la corruption et de méthodes autoritaristes, avec la suppression du sénat et le contrôle des moyens de communication.
En attente du second tour qui aura lieu le 5 juin, la bourse de Lima vit au gré des sondages et la vie politique et surtout économique se replient frileusement, tandis que nombre d’habitants de Lima essaie de savoir quelle est la meilleure option à prendre au moment de voter, l’abstention n’étant pas permise. Beaucoup craignent, quel lque soit le vainqueur, le début d’années de recul pour le Pérou. Les investisseurs sont sur le qui-vive, et tout un chacun cherche à assurer ses biens et ses économies de la meilleure façon, à mettre à jour ses démarches administratives, dans la peur d’un futur proche incertain. Certains font même leurs réserves de vivres, attendant une probable inflation. De leur côté, les perdants du premier tour tentent des alliances avec le candidat de leur choix, dans l’espoir aussi d’obtenir du vainqueur le maintien du modèle économique actuel et de la liberté d’expression. C’est ainsi que les deux candidats au second tour ont accepté de signer un « Accord National », comme gage de leurs bonnes intentions envers le maintien de la démocratie et l’économie de marché.