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Au festival de Cannes,  le Grand prix du jury a été attribué au film « Le Gamin au vélo » des frères Dardenne.

Le Gamin au vélo, PosterCyril, bientôt douze ans, n'a qu'une idée en tête : retrouver son père qui l'a placé provisoirement dans un foyer pour enfants. Il rencontre par hasard Samantha qui tient un salon de coiffure et qui accepte de l'accueillir chez elle pendant les week-ends.
Plongé dans une histoire familiale, le spectateur entre dans la vie de Cyril. Les adultes qui l’entourent forment un tableau périlleux : les travailleurs sociaux tentent de comprendre, le père se déresponsabilise, le jeune adulte exploite et menace. En résumé, négligence, malhonnêteté, indifférence, et profit : tout est là. Au milieu de ces adultes, apparaît Samantha qui se laisse saisir par la souffrance de Cyril et pose sur lui un regard bienveillant. Face à Cyril qui met toute son énergie à refuser la réalité,  Samantha prend conscience du caractère unique de cet enfant et est amenée à poser des choix vrais, libres, pleinement humains. La souffrance de Cyril la dépasse, elle ne comprend pas. Néanmoins, elle ose se laisser surprendre. Son attitude marque un profond respect, elle  vise plus à porter un regard accueillant sur Cyril, sur  ce qu’il est. Elle est à la fois toute tendue vers lui et à la fois toute réservée.  Elle garde cette distance attentive et accueillante.
Le cinéma réaliste des frères Dardenne nous entraîne dans cela et donne un ton unifié au film : tout est mis au service de cette juste distance. En premier lieu il y a l’alternative des plans : la caméra se fait parfois proche et parfois distante. L’œil n’est pas agressé par trop d’intrusion, trop d’images ou au contraire trop de plans vagues.  De ces ombres et lumières, jaillit une tonalité nuancée, précise et objective.

L’utilisation de la musique est encore un coup de génie des frères Dardenne. Elle intervient sobrement aux moments où Cyril est particulièrement seul et elle disparaît comme un effleurement. Les quelques notes n’imposent pas, elles savent s’effacer pour  laisser  la place au face à face du spectateur et de l’acteur. La souffrance de Cyril est là mais sans voyeurisme ni pitié. Sans introspection, ni analyse, Cyril est là avec son besoin d’être fils, c’est son cri. L’approche n’est ni psychologique ni généraliste mais concrète et unique.

Dans la relation Cyril-Samantha il n’y a pas d’effusion, pas de grandes embrassades, pas d’apitoiement. Tout est porté à entrer dans cette attitude éducative de respect et de distance. On associe trop souvent la notion de distance à une notion négative qui frôle l’indifférence. La manière dont filment les frères Dardenne ennoblit cette image et lui redonne un nouveau goût de bon et de vrai. L’attitude de Samantha parle de cette juste distance nécessaire qui respecte l’altérité effective dans l’amour.

Découvrez la bande annonce :

 

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1 Commentaire

  1. Bruno ANEL

    J'ai trouvé le film excellent. Rejeté par son père, Cyril est menacé de façon précoce par la révolte, la délinquance, la violence, alors qu'il ne demande qu'à être ce qu'il est : un enfant, avec son "jouet" préféré (son vélo). Samantha lui offre son accueil, son amitié, son pardon quand Cyril l'agresse dans un mouvement de révolte. Peut-être découvre-t-elle en elle un besoin de maternité insatisfait ? Toujours est-il qu'en offrant son amour à Cyril, elle le recrée dans sa condition d'enfant, voire de fils.
    Commentant ce film, l'hebdomadaire Famille Crétienne se demande avec une certaine naïveté d'ou vient cet altruisme de Samantha. Les Dardenne ne s'attardent pas sur le pourquoi des sentiments et le passé des personnages. Le film n'est pas "chrétien", mais Dieu est là, dans la rencontre. Une chanson du Père Duval me revient en mémoire : "Quand tu m'as dit, ma soeur, des choses aimantes, le ciel n'était pas loin, pas loin de nous…"