De Katherine Infantine.
La gauche américaine n’a pas tardé à attaquer la décision du candidat Mitt Rommey datant du 11 août dernier, qui propose Paul Ryan, membre du Congrès, comme candidat à la vice-présidence des USA. La projet politique de Paul Ryan se fonde sur le principe de subsidiarité : moins d'état plus de société.
Paul Ryan, actuellement président de la Commission du Budget au Congrès américain est un homme intelligent, catholique décomplexé et pro-life, qui défend le mariage traditionnel et semble mieux connaitre les mécanismes de l’économie du pays que n’importe quel autre membre du Congrès. Il préconise moins d’étatisme, ce qui signifie aussi des coupures dans le budget fédéral alloué aux programmes sociaux et de santé, tels par exemple que Medicare et Medicaid – qui offrent une aide aux personnes pauvres et âgées. Les critiques l’accusent de vouloir voler l’aide fédérale des personnes les plus vulnérables du pays. Paul Ryan semble pourtant avoir une vision bien plus large que ce que peuvent voir les critiques à première vue. Dans un discours qu’il a donné à l’université de Georgetown, Ryan affirme que sa politique sociale et ses propositions budgétaires sont inspirées de la doctrine sociale de l’Eglise Catholique. Il prend au sérieux la déclaration du pape Benoit XVI : « La subsidiarité doit être étroitement liée au principe de solidarité et vice versa ».
En réduisant les dépenses fédérales, Ryan exhorte les américains à trouver des solutions à leurs problèmes au niveau local et non au niveau de l’état. En affirmant la dignité de la personne humaine, il met plus de foi dans les citoyens, la famille, les organisations privées, les associations et les corps intermédiaires que dans le gouvernement pour faire les meilleurs choix envers les familles et les communautés. Il reconnaît que nous sommes plus satisfaits lorsque nous engageons notre responsabilité personnelle et participons activement aux problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Lorsque les marchés libres ne répondent pas aux besoins de la population, le gouvernement a le devoir d’intervenir. L’état actuel de la protection sociale aux Etats-Unis blesse les plus pauvres qu’elle souhaiterait aider. Plutôt que d’offrir simplement une aide à ceux qui en ont besoin, le gouvernement américain a rendu les pauvres encore plus dépendants des fonds fédéraux et incapables d’avancer. En travaillant au niveau local, les américains peuvent fournir de meilleurs soins aux pauvres tout en protégeant leur dignité.
Ryan se montre préoccupé non seulement pour les pauvres et les personnes âgées mais surtout pour les générations futures. Le coût de Medicare et Medicaid est devenu si élevé qu’une fois que nous aurons fini de payer les besoins médicaux des actuelles personnes âgées, il ne restera plus rien pour soutenir la génération de nos parents ou la nôtre. Il est injuste, dit Ryan, de s’enfoncer de plus en plus dans l’endettement, et de laisser aux générations futures le fardeau de payer (littéralement) pour nos erreurs.
Réduire les financements fédéraux pour les soins de santé peut être douloureux dans les premiers temps, mais les coupures budgétaires de Paul Ryan veulent encourager les américains à prendre conscience de leurs responsabilités en tant que citoyens, pour fonder des familles et des communautés responsables et créatives et désireuses de stimuler la croissance économique.
L'Europe a créé un modèle d'état nation, d'état-providence, d'état-assistance, en face de l'individu-citoyen isolé. On oppose ainsi le marché égoïste et pervers à l'état juste, le monde du travail à la personne. La confiance de Paul Ryan en son peuple rappelle celle prônée par Benoît XVI dans Caritas in Veritate : séparer l’agir économique, à qui il reviendrait seulement de produire de la richesse, de l’agir politique, à qui il reviendrait de rechercher la justice au moyen de la redistribution, est une cause de graves déséquilibres. L’Église a toujours estimé que l’agir économique ne doit pas être considéré comme antisocial. Le marché n’est pas de soi, et ne doit donc pas devenir, le lieu de la domination du fort sur le faible. La société ne doit pas se protéger du marché, comme si le développement de ce dernier comportait ipso facto l’extinction des relations authentiquement humaines". CV 36
Visiblement, celle qui écrit cet article connaît parfaitement le sujet. Cela donne envie de savoir qui elle est pour porter un regard si libre sans aucune trace d’idéologie affectivo-humaniste à la française. Elle ose remettre en question le sacrosaint ETAT PROVIDENCE, quel toupet ! Mais elle le fait intelligemment, en montrant pourquoi une certaine conception étatiste de l’aide sociale est une atteinte à la dignité des personnes… Trop peu de voix osent l’affirmer et pourtant toute la faillite de la pratique actuelle en Europe le démontre : « L’état actuel de la protection sociale aux Etats-Unis blesse les plus pauvres qu’elle souhaiterait aider. Plutôt que d’offrir simplement une aide à ceux qui en ont besoin, le gouvernement américain a rendu les pauvres encore plus dépendants des fonds fédéraux et incapables d’avancer ».
Ce serait bien joli dans un monde idéal, où chaque société aurait sa fondation,qui ne soutiendrait d'ailleurs uniquement ceux qui auraient "envi" de s'en sortir… mais moins d'Etat aujourd'hui se traduit malheureusement le plus souvent par toujours plus de pouvoir pour les multinationales et leurs nouveaux riches, et toujours plus de mépris pour les pauvres…
Merci de nous faire découvrir enfin un vrai laïc catholique qui a le courage de s’engager en politique et de le faire de la plus intelligente des manières. Et figurez-vous que l’Eglise américaine soutient Paul Ryan franchement sans se contenter d'un communiqué anonyme du bureau de la conférence épiscopale locale reprenant quelques valeurs et faisant quelques mises en garde (ce dont nous ne souffrons que trop en France à chaque élection) . Le cardinal Dolan prie pour des personnes concrètes, pas seulement pour des valeurs ou des idées. Miracle !! Extrait de sa prière au congrès républicain : Ô Dieu de sagesse, de justice et de puissance, nous Vous demandons de guider ceux qui nous gouvernent, le Président, le vice Président, le Congrès, la Cour suprême et tous ceux qui cherchent le bien commun en sollicitant des mandats électifs, et tout spécialement le gouverneur Mitt Romney et le député Paul Ryan. Faites qu’ils soient parfaitement dignes de Vous servir en servant notre pays. Et aidez-les à se souvenir que le seul gouvernement juste est le gouvernement qui est au service de ses citoyens et non à son propre service. […]
L’Eglise Catholique est plutôt sur la réserve . Elle a clairement pris position contre Obama, partisan de l’avortement et du mariage gay, et de plus coupable d’avoir voulu faire payer aux établissements hospitaliers catholiques des assurances santé incluant le remboursement des frais de contraception de leur personnel. Mais elle a déjà taclé Ryan pour ses positions, et il est peu probable qu’elle soutienne sans réserve l' attelage républicain Romney-Ryan,composé d’un mormon aux convictions mobiles et d’un catholique aussi peu « social », admirateur d'Ayn Rand pour qui l'égoïsme peut être une vertu.. Comme le note le professeur Scott Appleby de l’université de Chicago, "dans notre système actuel, il est impossible d'avoir un politicien qui, en adéquation avec l'enseignement pontifical, dit non à l'avortement, non à la prolifération nucléaire et non à la pauvreté".
Il doit y avoir quelque part une erreur de postulat dans l'énoncé de ce pauvre Scott Appleby car, à moins que je ne m'abuse, il n'est impossible d'être catholique dans aucun lieu du monde…
J'ai du mal à croire qu'on puisse cautionner le système capitaliste dans son ensemble (qui, en passant, porte en lui-même les germes de sa propre destruction) sous prétexte qu'un de ses plus "nobles" parangons dise d'inspirer de la doctrine sociale de l'Eglise…
Quant au commentaire précédent : "Le marché n’est pas de soi, et ne doit donc pas devenir, le lieu de la domination du fort sur le faible". Ah bon ???? Pourtant, la fixation du prix est dans son essence même le reflet du rapport de force entre acheteur et vendeur… (pour plus d'infos, lire les ouvrages de P. Jorion).
Et l'exigenace d'une sécurité sociale ? (art. 22 de la déclaration universelle des droits de l'homme)
L'enseignement social chrétien doit-il être hierarchisé ou pas ? Plus précisément, la note doctrinale de la congrégations pour la doctrine de la foi a-t-elle une valeur ou pas ? Et quelle place dans la DSE pour la sécurité sociale ?
Pour revenir à Paul Ryan, c'est bien qu'un catholique s'engage en politique et soit reconnu à ce niveau. Cela montre qu'il est possible de s'engager et qu'il faut le faire… De surcroît, à titre personnel, je trouve génial que le principe de subsidiarité soit porté haut dans ces élections que toutes les nations observent. Cependant, le débat sur les dépenses de santé est important, et la vraie question est celle-ci : Les Etats-Unis ont-ils ou pas une sécurité sociale ?
La sécurité sociale est un système auquel tous participent, pour que tous puissent bénéficier, le cas échéant, de certains soins coûteux mais nécessaires. En France, ce système coûte à cceux qui travaillent 16 à 18% de leurs salaires (dont un peu plus de la moitié payée par l'employé, le reste par l'employeur). En Suisse, chacun paye (qu'il travaille ou pas), avec des franchises et trois groupes d'âge (0-17, 18-25, 26 et +) et beaucoup de caisses maladies soumises à de strictes contraintes légales. Y a-t-il un tel système aux Etats-Unis ?
Reprenons nos exemples : En France, on a souvent besoin d'une complémentaire, et on n'est pas facilement couvert à l'étranger, et la sécurité sociale est dure à gérer (ça a suffisemment rapporté pour financer les 35 heures, mais CSG et CRDS, montrent un trou). En Suisse, les frais dentaires et optiques ne sont pas compris dans la base… Pourtant, une greffe de moëlle épinière qui coûte vite très très chère, (personne n'est à l'abri d'une leucémie) sera prise en charge dans ces deux pays.
Je repose donc ma question : Y a-t-il un tel système aux Etats-Unis ? Je sais qu'il y a des associations américaines membres de l'Association Internationale pour la sécurité sociale (secrétariat au BIT à Genève) ? Mais quid du système social américain ? Je reprends volontiers la plume (ou le clavier) pour parler de sécurité sociale, mais ai besoin d'une réponse de Katherine. Merci d'avance !!
Y a-t-il des universités aux USA ? Oui, elles sont de loin les meilleures du monde et elles sont privées ! Y a-t-il des soins aux USA ? idem. La difficulté des soins « pour tous » aux USA est très complexe et le problème est plus juridique que social. Les américains trouvent plus important de pouvoir attaquer en justice les médecins en cas de litige, faisant ainsi exploser les coûts, plutôt que de donner à tous l'accès aux soins. Cela n'est pas l'objet de l'article qui s'intéresse à la créativité des individus et des groupes intermédiaires pour trouver de meilleures solutions que celles de l’état. La subsidiarité consiste à ne pas faire à l’échelon supérieur ce qui peut être fait à l’échelon inférieur. En réduisant la main mise de l'état, les républicains veulent libérer la créativité individuelle, la liberté d'éducation des parents, la liberté d'entreprendre et de réussir (!!!), la liberté d'association, etc. La solidarité "efficace" ne vient pas de l'état car l’homme a d’abord besoin de gratuité, comme le souligne Benoît XVI : « À l’époque de la mondialisation, l’activité économique ne peut faire abstraction de la gratuité, qui répand et alimente la solidarité et la responsabilité pour la justice et pour le bien commun auprès de ses différents sujets et acteurs. Il s’agit, en réalité, d’une forme concrète et profonde de démocratie économique. La solidarité signifie avant tout se sentir tous responsables de tous, elle ne peut donc être déléguée seulement à l’État. Si hier on pouvait penser qu’il fallait d’abord rechercher la justice et que la gratuité devait intervenir ensuite comme un complément, aujourd’hui, il faut dire que sans la gratuité on ne parvient même pas à réaliser la justice. Il faut, par conséquent, un marché sur lequel des entreprises qui poursuivent des buts institutionnels différents puissent agir librement, dans des conditions équitables (CV 38) …Quand la logique du marché et celle de l’État s’accordent entre elles pour perpétuer le monopole de leurs domaines respectifs d’influence, la solidarité dans les relations entre les citoyens s’amoindrit à la longue, de même que la participation et l’adhésion, l’agir gratuit, qui sont d’une nature différente du donner pour avoir, spécifique à la logique de l’échange, et du donner par devoir, qui est propre à l’action publique, réglée par les lois de l’État. Vaincre le sous-développement demande d’agir non seulement en vue de l’amélioration des transactions fondées sur l’échange et des prestations sociales, mais surtout sur l’ouverture progressive, dans un contexte mondial, à des formes d’activité économique caractérisées par une part de gratuité et de communion. Le binôme exclusif marché-État corrode la socialité, alors que les formes économiques solidaires, qui trouvent leur terrain le meilleur dans la société civile sans se limiter à elle, créent de la socialité. (CV 39)
On en oublie presque que le colistier d'Obama, Joe Biden, est lui aussi catholique. Que Mitt Romney, quand il était gouverneur du Massachussets, à soutenu l'avortement et fait voter une loi sur la santé trés proche de celle d'Obama. Que le cardinal Dolan s'est dit prés à donner les mêmes bénédictions à la convention démocrate. Que Paul Ryan est proche des "libertariens", des gens qui pensent que les transports publics relèvent du socialisme, que le droit pour chacun de détenir une arme à feu fait partie des libertés fondamentales, que les dépenses publiques doivent être diminuées de 6000 milliards de dollars… sauf les dépenses militaires qui doivent augmenter.