Home > Arts plastiques > La révolution du Caravage

La double exposition de Montpellier et Toulouse dédiée au Caravage et à son influence en Europe, rencontre un succès immense. Il faut dire qu’il n’y avait plus eu une telle exposition en France depuis cinquante ans et que Le Caravage est un « révolutionnaire de l’incarnation ».


Premier tableau du « Sacrifice d'Abraham », vers 1596, Piasecka-Johnson Collection, Princeton

 

En 1571 Michel Angelo Merisi, dit Le Caravage, naît à Milan. Il n'a que trente-neuf ans lorsqu’il meurt à Porto Ercole, près de Rome, en 1610. Il aura pourtant eu le temps de peindre plus de 90 toiles qui vont révolutionner la peinture occidentale des 16e et 17e siècles. 

L’exposition commence à Montpellier par neuf chefs-d’œuvre du Caravage qui nous introduisent dans un changement radical avec l’école du baroque et du maniérisme. Tout l’art européen issu de la Renaissance a ainsi été ébranlé, vers 1600, par l’irruption de sa peinture. Chez lui, le sacré est ancré dans la réalité brute et sensible. Il n’est plus question ni de beauté idéale pour les femmes, ni d’héroïque noblesse pour les hommes. Le Caravage semble faire poser des maçons et des valets trouvés dans les rues et les auberges où il avait ses habitudes. Les pieds sont sales pour avoir marché sans chaussures. Les visages et les regards ne sont pas schématisés, ni les expressions exagérées. Le peintre doit intriguer, toucher, émouvoir, ne jamais se figer. Ainsi le visiteur pourra rester longtemps, par exemple, devant la flagellation du Christ ou devant le tableau du reniement de Saint Pierre pour s’interroger sur ce que ressentent et pensent les protagonistes. L’utilisation du clair-obscur donne à ses toiles une puissance dramatique inédite, le réalisme qui mêle trivial et sacré rend accessible l’art religieux à tous.

Sa peinture est imprégnée de la spiritualité jésuite de la Contre-Réforme. Les contrastes de clair manifestent la gloire de Dieu dans la boue de l’humanité. Plus l’ombre s’épaissit et plus le caractère du personnage apparaît dans sa véritable identité devant Dieu. Ombra… Lux Dei : l’ombre est la lumière de Dieu qui révèle dans la misère de l’homme la victoire de la miséricorde. Cette miséricorde se manifeste dans l’attention à ce qu’il y a de plus pauvre, de plus charnel, de plus blessé dans la personne. L’incarnation irradie la matière de l’intérieur et valorise chaque détail du corps humain.

L’exposition se poursuit sur le caravagisme en Europe. Il devient un maître par excellence puisque certains s’inspireront de son approche de la réalité (Baglione, Saraceni, Gentileschi…), d’autres reprendront ses thèmes, et beaucoup s'inspireront de son génie du clair-obscur. Son art devient alors une école à Rome. Il s’étendra dans toute l’Italie, puis en Espagne (avec Vélasquez, Zurbarán, Ribera) et dans la Lorraine avec Georges de La Tour. Les artistes français installés en Italie, comme Nicolas Régnier, Simon Vouet, Valentin de Boulogne, seront aussi très sensibles à sa leçon

Le musée des Augustins de Toulouse présente, pour sa part, les artistes caravagesques du Nord, notamment l'Ecole d'Utrecht qui réunit entre autres Hendrick ter Brugghen et Gerrit van Honthorst.


Le souper à Emmaüs, 1601, Londres, National Gallery

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