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Adrienne von Speyr, une théologienne pour aujourd’hui

De Matthew Sutton.

Le 17 septembre 1967, il y a quarante-cinq ans, s’éteignait Adrienne von Speyr, médecin suisse et mystique catholique. Sa vie d’épouse élevant deux beaux-enfants, de médecin brillant et d’auteur de tant d’ouvrages spirituels a déterminé beaucoup de personnes à vivre avec une plus grande profondeur leur mission de prière et de compassion.

Par-dessus tout, elle a vécu au ciel sur la terre. Sa vie continue de saisir ceux qui la lisent et qui voient dans ses écrits qu’elle n’abandonne jamais le monde et toutes ses préoccupations. Les préoccupations du monde, dans leur particularité, leur cloisonnement et leur finitude doivent toujours être situées dans l’universalité du Seigneur qui les dilate jusqu’à l’infinie compassion du Père.

Dans ma vie personnelle et professionnelle, Adrienne m’a « trouvé ». Dans la théologie catholique académique, Adrienne est souvent restée dans l’ombre de l’immense théologien Hans Urs von Balthasar qui fut son confesseur et ami durant vingt-sept ans. Dans ma recherche de théologien catholique, j’ai toujours vu dans les écrits théologiques de Balthasar une sympathie pour la mystique. Quand je découvris que l’intensité de cette sympathie venait de son amitié et de sa collaboration avec Adrienne, j’ai voulu en savoir plus sur elle, et comprendre pourquoi il disait qu’une si grande part de sa pensée était déjà présente chez Adrienne « d’une manière plus immédiate, moins technique ». Ce que j’écris, et particulièrement mon livre à venir Le Ciel s’ouvre : le mysticisme trinitaire d’Adrienne von Speyr vient d’un désir de présenter le centre de sa spiritualité – la rencontre avec la compassion de Dieu le Père à travers la présence souffrante de son Fils incarné et la puissance de l’Esprit Saint qui embrasse tout. Dans mon étude académique de la théologie trinitaire, j’essaie de provoquer une rencontre entre la théologie universitaire et les mystiques qui sont au cœur de l’Eglise.

Adrienne est réellement actuelle : lorsque vous découvrez l’histoire de sa vie, elle semble familière et fascinante. Elle naît dans une famille bourgeoise dramatiquement éprouvée par la mort du père. La lutte incessante qu’elle a dû mener contre une santé chancelante et une mère anxieuse ne l’empêche pas de briller dans ses études de médecine. Médecin, elle est profondément engagée dans un service priant et plein de compassion de ses patients, tout en vivant les joies du mariage et de l’éducation. Cependant, le Seigneur cherche à rendre plus profonde la relation entre elle et Lui. Lorsqu’elle entre dans le sein de l’Eglise catholique guidée par les soins et la sagesse de Balthasar, tout change dans sa vie spirituelle : le Seigneur l’emmène dans les lieux les plus beaux et les plus douloureux de son amour.

C’est mon travail sur Adrienne qui fut le pont vers Points-Cœur. Quand je commençai à enseigner à New York à la St John’s University, je continuai de développer mon site internet sur Adrienne, et c’est à travers ce site que je fus invité à prendre un café avec Père Gonzague Leroux et Sœur Régine Fohrer. En chacun d’eux, je rencontrai immédiatement Adrienne. Elle était présente en eux – dans leur vie dans le Seigneur au cœur de l’Eglise, à la recherche de la brebis perdue dans la prière, la compassion et la présence. En eux, je vis l’engagement le plus profond envers les oubliés de notre société, dont il faut se rappeler en les visitant dans leur souffrance – non par des programmes, mais par une présence personnelle, une présence de compassion.

Ceux qui ont fait l’expérience de Points-Cœur ont déjà rencontré Adrienne, qu’ils le sachent ou non. Dans celui de ses livres que je préfère, La Servante du Seigneur, on apprend comment vivre dans le « oui » de Marie. La mission de compassion peut toujours dégénérer en un projet de nos propres œuvres. Mais la voie de Marie nous apprend à dire « oui » au Seigneur et à son œuvre en nous. Ce oui marial signifie que lorsque nous rencontrons quelqu’un qui souffre (ou même notre propre souffrance) nous n’avons peut-être pas toujours la compréhension parfaite, la bonne parole ou le geste qu’il faudrait. Et pourtant, imitant Marie au pied de la Croix, nous apprenons à dire : « Oui, Seigneur, même ici où je ne comprends pas, je vais être présent à cette personne, lui ouvrir la porte, prêt à la recevoir comme tienne. »

En ce quarante-cinquième anniversaire de sa mort, méditons l’une des intuitions les plus centrales d’Adrienne : « Pareille à une gerbe liée en son milieu, qui se déploie à ses extrémités, la vie de Marie se résume en son oui ; à partir de lui, sa vie reçoit son sens et sa figure, elle se déploie en arrière et en avant. Ce oui central et unique est en même temps celui qui l’accompagne à chaque instant de son existence, éclaire chaque tournant de sa vie, confère à chaque situation son sens plénier et donne à Marie dans toutes les circonstances la grâce toujours neuve de comprendre. A chaque souffle, à chaque mouvement, à chaque prière de la Mère du Seigneur, le oui donne son sens plénier. Car la nature du oui, c’est de lier celui qui le prononce en lui, laissant la pleine liberté de le réaliser à sa façon. Celui qui le prononce remplit son oui de sa personnalité, il lui donne son poids et sa coloration unique, mais lui-même est tout autant modelé, libéré et réalisé par son oui. Toute liberté s’épanouit dans l’abandon de soi et le renoncement à une existence sans lien. Et de cette liberté liée naît toute fécondité. » [1]

 


[1] in La Servante du Seigneur, chapitre 1

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