Home > Santé > Les bipolaires sont à la mode. La fin du tabou ?

Les bipolaires sont à la mode. La fin du tabou ?

de Claire et Cyril Desreumaux   11 mars 2013
Temps de lecture 4 mn

Des personnages sujets aux troubles bipolaires décrochent les premiers rôles à Hollywood : Carrie, l’héroïne de Homeland, la série du moment ; Tiffany, oscar de la meilleure actrice dans Happyness Therapy… En France début février, le Nouvel Obs titrait sa Une « Bipolaire, le nouveau mal du siècle ». Plus qu’une mode, une ouverture sur une réalité difficile restée longtemps tabou.


Carrie Mathison – Agent de la CIA, héroïne de la série Homeland

La bipolarité existe sous des formes très diverses. Mal connue et souvent mal soignée, elle représente un lourd handicap pour le sujet comme pour son entourage. L’engouement médiatique nous permet d’appréhender un peu cette réalité qui toucherait jusqu’à 5% de la population en France.

Généralement, les troubles produisent en alternance deux types de comportements opposés : les périodes d’exaltation, dites maniaques et des périodes de dépression. Les premières sont marquées d’hyperactivité, d’euphorie et d’une vie sociale intense. La personne bouillonne, elle se sent invulnérable et peut adopter des comportements à risques. Comme en miroir, s’en suit les épisodes de dépression profonde, teintées d’idées morbides durant laquelle la personne s’isole complétement. Entre ces deux périodes, il peut y avoir des moments de calme : c’est la rémission.

Dans la série Homeland, Carrie est un talentueux agent de la CIA. Après un attentat terroriste, elle traverse une crise maniaque. Obsédée par son enquête et complétement exaltée, la jeune femme exploite ses intuitions géniales et résout une énigme centrale de l’intrigue. Malheureusement, ses comportements outranciers la rendent incapable de collaborer avec ses supérieurs et d’agir raisonnablement. Sa part de génie s’exprime au cœur de comportements pathologiques. Ce passage reflète une réalité et nous invite à affûter notre regard.

Les graves dérèglements dont souffrent les personnes sujettes aux troubles bipolaires peuvent être effrayants, voir désespérants. Pourtant, leur personnalité, leurs ressources et qualités ne sont pas anéanties. Elles peuvent être plus ou moins perceptibles suivant les états, « up » ou « down », qu’ils traversent. Le risque est de poser l’étiquette « bipolaire » sur chaque geste, idée, réaction, choix, et finalement réduire la personne à ses excès.

Les régulateurs d’humeur couplés à un accompagnement psychiatrique régulier soulagent et rendent durablement la lucidité. Toutefois, cette stabilité peut être ébranlée par un choc émotionnel ou une situation anxiogène. La vie, avec son lot de joies et de peines, provoque chez ces hypersensibles des réactions démultipliées, entraînant de fortes répercussions qu’ils doivent apprendre à reconnaître et anticiper.

Apprendre à vivre avec les comportements excessifs, les incohérences, accueillir cette grande sensibilité qui nous bouscule est un challenge qui nous concerne tous.

Cet espace offert aux troubles bipolaires dans les médias nous interpelle. Quel regard portons-nous sur nos propres excès ? Sommes-nous ouverts à considérer avec bienveillance ce qui nous semble dément ?

Pour approfondir :

http://www.troubles-bipolaires.com

http://www.bipol.org/maladie_chronique.php

http://bipotes.leforum.eu/index.php

 

 

 

Vous aimerez aussi
Les pèlerins d’Emmaüs
Capter les miracles
Note impubliable
Le cas Jägerstätter vu par deux cinéastes

6 Commentaires

  1. p. Denis

    Chers Claire & Cyril,

    merci pour cet article sur ce "mal du sièlce" si répandu.

    A chaque époque ses lépreux… Les plus vulnérables sont comme les indicateurs d'un mal être qui nous touche tous.  Les personnes atteintes de bipolarité nous signifient peut-être que l'homme a perdu son centre, éclaté entre les sollicitations extérieures et intérieurs qui deviennent d'autant plus violente qu'elles ne le concernent plus vraiement, en dépit ce qu'il s'imagine. Au milieu du bruit, il entend parfois le bruit de la source. Mais s'il en désire la limpidité, il ne peut jamais y porter ses lèvres. Il y a dans l'air comme une abscence d'unité, comme un déni de la simplicité élémentaire sans laquelle tout coeur humain se désydrate.

    Entre les deux extêmes, il faut mettre dans le mille. Une invitation à porter ces déséquilibres dans le déséquilibre par excellence :  la prière.

  2. Merci pour cet article. Le sujet est vaste et compliqué, autant dans ses implications médicales que sociales, mais il ne faut pas avoir peur de s'y plonger.

    Atteint de ce mal depuis la fin de l'adolescence, mon expérience croise tout à fait l'invitation du père Denis ci-dessus. La prière fervente est à n'en pas douter le meilleur des remèdes, la foi constituant le meilleur des points d'ancrage pour éviter les dérives et les errances… autant vers les cimes de l'exaltation et de l'ivresse (gloutonnerie) que dans les plaines arides du désespoir et de la tristesse (acédie… et orgueil !!).

    Ajoutez également à cela deux choses :

    – un traitement thérapeutique de qualité. Il est impératif de trouver, même si c'est cher et lourd (en termes de déplacement et autres contraintes de ce type), LE bon référent. C'est-à-dire celui qui à la fois possède les qualités professionnelles requises et surtout un regard et une considération qui, s'ils ne sont pas pleinement exprimés dans la foi chrétienne (alors ça c'est le top !!!), doivent être à tout le moins humains et compatissants. Tant de psychiatres sont de simples machines à délivrer des pilules, sans aucune autre forme de considération envers le patient (qui devient dès lors plutôt un "client"). Pour ma part, j'ai mis de longues années avant d'être médicalisé (refus total d'admettre ma faiblesse auparavant), puis j'ai dû attendre encore cinq années avant de trouver la bonne personne (mon premier psychiatre faisant plutôt partie de la catégorie des "pourvoyeurs de pilules colorées", changeant de traitement quasiment à chaque rencontre). La consultation de ce spécialiste parisien me coûte 130 euros (pour environ une demi-heure quand ça va normalement !), grosso modo tous les trois mois (et plus souvent si besoin), mais qu'importe puisque grâce à son aide j'ai maintenant un emploi et une situation stabilisés, accompagnés d'une mutuelle adéquate couvrant tous mes frais à 100 % ?

    – un entourage parfaitement informé de la situation, auprès duquel il n'y a aucune honte à reconnaître une faiblesse passagère, surtout dans les situations émotionnellement difficiles (décès, rupture, perte d'emploi, etc.). Le regard compatissant des personnes qui, malgré l'épreuve, vous gardent une confiance intacte, est un autre cadeau du Seigneur qu'il ne faut jamais refouler parce que l'on craint d'être jugé ou simplement par orgueil ("je vais m'en sortir tout seul !"). Ces personnes, ce sont aussi bien la famille, les amis, que le curé de la paroisse qui priera pour votre âme.

    Aujourd'hui, à l'âge du Christ, je suis marié et père d'un enfant. J'ai remonté une longue pente après une épouvantable descente aux enfers (clinique psychiatrique pendant plus de deux mois en 2009). Je ne m'en vante pas, je n'en ai aucun mérite, seul au Christ et à Marie reviennent tout le mérite de ce chemin parcouru. Et j'ajouterais même que ceux qui ont traversé cette "nuit de l'esprit" en ressortent généralement purifiés, comme s'ils étaient passés à travers un filtre. Bien des choses de ce monde me paraissent désormais futiles, celles-là même que j'honorais auparavant tel le veau d'or. Je suis aussi pleinement conscient que je peux retomber à tout moment. Guérit-on vraiment de ce mal ? Je ne pense pas, nous sommes plutôt "en rémission". Mais au fond, en quoi cela diffère-t-il réellement des voies empruntées par les personnes "saines", c'est-à-dire non diagnostiquées bi-polaires ? Nous le sommes tous au fond à divers degrés. Le regard tourné en permanence vers Jésus et sa Mère demeure pour toute personne humaine, malade ou non, la meilleure des protections.

    Que Dieu bénisse les malades et que leur exemple soit pour nous l'occasion de nous interroger sur notre propre humilité !

  3. Claire et Cyril

    Merci P. Denis et Goeffroy pour vos réponses très belles. Nous espérons modestement que l'article permette de poser un regard… Vos témoignages sont de vrais cadeaux!!

    Quel que soit notre chemin et nos épreuves: mardons vers toujours plus d'amour…

  4. sylvie

    En lisant cet article, j'ai pensé à un ami que j'ai connu lors de ma mission au point-coeur du Liban. J'ai également pensé à une chanson du franco-suisse Nicolas Fraissinet qui "fait un duo avec lui même" dans la chanson : FRAGILE. cf ce lien : http://www.noomiz.com/nicolasfraissinet#nicolasfraissinet?clicktag=tracks&rnd=369103&_suid=136359966962306761330772658538 . je ne sais pas si ça vision de la bipolarité reflete la vérité, mais la chanson est belle.