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La vie nouvelle – Raúl Zurita

de Denis Cardinaux   9 août 2013
Poèmes

Lors d'un entretien récent (juin 2013), le poète Raúl Zurita – qui volontiers se déclare athée mais ajoute immédiatement que « ce n’est pas aussi simple » – nous confiait que l’un des mots qu'il aimait le plus était : "compassion". Ces deux inscriptions tombales, en dépit de l’irrémédiable, traversent la mer et nous donnent le pressentiment d’une étreinte qui déjà commence sans que nous ne le sachions, malgré les affres de l’histoire et les peurs de « ta propre nuit ».


Grace Psalm © Makoto Fujimura

Inscription 125

Laisse-moi t’annoncer, alors, la vie nouvelle.
Allons, écoute, il importe peu
qu’elle ne soit pour l’heure que le passage
du vent dans les feuilles
(des préhistoires, des empires, des famines,
des cités fortifiées passent en sifflant
entre les feuilles)
Quelque chose de lointain frappe au carreau.
Dans un autre temps, j’aurais cru que ce n’était
qu’une pierre ; aujourd’hui je sais qu’une pierre
fait aussi partie de ce que je te dis
Laisse-moi, alors, t’annoncer ce qui est nouveau,
ainsi, comme si, soudain, je te prenais entre
mes bras et ce serait le vent
et tu ne le saurais pas

comme si c’était toi-même qui parlais
et tu ne le saurais pas
comme si c’était la mer et tu ne le saurais pas

 

Inscription 178

Te parlent maintenant les brisants de ta vie
ils te parlent des fausses Ithaques,
du naufrage en des côtes lointaines
de ta fatigue te courbant sur les vagues
Ils te disent que plus loin est la fin
de la terre
que là-bas la mer s’effondre, que ta mer
aimée s’effondre et que les bateaux
jamais n’en revinrent
Elles te parlent en ta propre nuit les peurs

Que sonnent alors comme quelque chose qui se
réveille ces poèmes
Comme quelque chose qui est en toi,
comme quelque chose qui
traverse la mer et se réveille

 

Poèmes tirés de La Vida Nueva,
Editorial Universitaria, Santiago 1994, p. 310 et 332
Traduit de l'espagnol par Denis Cardinaux.

 

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