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Éduquer les jeunes à l’amour : des enseignements inédits de Karol Wojtyla

Le 2 avril dernier nous fêtions l’anniversaire de la mort de saint Jean Paul II. À onze années de distance de ce fameux samedi soir, la maison d’édition italienne La Scuola publie Amore e desiderio (Amour et désir), un livre qui contient les transcriptions de deux conférences que Karol Wotjyla, alors archevêque de Cracovie, tint en 1973 et en 1977 : « L’enseignement de l’amour que nous devrions poser comme fondement de la préparation au mariage pour les jeunes universitaires », et « La problématique de la maturation de l’homme : aspect anthropo-théologique ». Conférences qui n’avaient jamais été publiées jusqu’à aujourd’hui. Par ces deux brèves leçons sur l’amour comme clé éducative et pastorale, le futur saint affirme ne pas vouloir parler « d’amour de façon abstraite, ou parler d’une façon théorique. Je désire tout de suite éclairer ce thème du point de vue des exigences et des devoirs de la pastorale universitaire ».

« Les deux textes publiés, lit-on en introduction, sont d’extraordinaires témoignages de l’engagement de l’archevêque Wotjyla dans le champ de l’éducation des jeunes à l’amour. Ce thème reviendra fréquemment pendant le pontificat, au point d’en constituer un des fils rouges. C’est en ce sens que François a attribué au pape polonais le titre de ‘’Pape de la famille’’ pendant l’homélie prononcée lors de la liturgie de canonisation de Jean-Paul II ». Ces leçons nous viennent tout droit de l’expérience de Wojtyla comme prêtre aumônier des jeunes universitaires. Nous présentons ici des extraits de la première conférence.

L’enseignement de l’amour que nous devrions poser comme fondement de la préparation au mariage pour les jeunes universitaires (1973)

« Nous devons poser l’amour au fondement de la préparation au mariage de tous les chrétiens, et même de tous les hommes. Simplement. La pastorale universitaire est la pastorale des jeunes qui veulent nous écouter, nous prêtres, parler de l’amour, et auxquels nous essayons de parler sur ce thème. Et il ne s’agit pas seulement de parler, il s’agit aussi d’enseigner. Ceci est la première chose. Il ne s’agit pas ici de définitions. L’amour est avant tout une réalité. Au début de la constitution Gaudium et Spes, il est question de toutes les distorsions que cette grande réalité interpersonnelle, l’amour entre mari et femme, l’amour familial, a subies et subit, surtout à notre époque.

C’est seulement par là, me semble-t-il, que s’explique la contestation insistante contre l’encyclique Humanae vitae. Et j’ai remarqué précisément que le contexte de la culture européenne, celui auquel nous sommes liés de très près, auquel, nous qui sommes de l’Orient, nous adhérons, auquel, en pratique, nous appartenons, est l’unique contexte dans lequel Humanae vitae est critiquée.

Dans notre pratique pastorale et dans la vie, il est nécessaire de parler de cet amour, non pas comme une belle réalité, toute prête, et déjà mûre, mais comme un certain devoir, un effort à entreprendre. Et aussi comme un don. On peut dire que tout amour humain qui se révèle dans le cœur d’un garçon, d’une fille de vos groupes de pastorale est un don. La capacité d’aimer est un don. Il y a une certaine disposition au don, à la réalisation concrète de soi sur la base de cette vision, qui a été formulée dans toute la tradition chrétienne, comme l’a rappelé le Concile, et que j’ai rappelée à l’instant. Mais ce n’est pas seulement une réalité donnée, elle est aussi donnée comme devoir.

Il faut clairement interpréter ce don, ce talent, de façon évangélique : sachant ce que Jésus à dit à ce propos, c’est-à-dire que le talent peut être bien utilisé, mais aussi dilapidé. Ce risque, cette menace pour l’amour humain, la menace d’un gaspillage, d’un usage consumériste, est aujourd’hui particulièrement grand. Il faut donc que, dans notre activité pastorale, de toutes les façons possibles, nous enseignions que l’amour n’est pas seulement un événement qui advient entre ceux qui s’aiment, mais encore entre Dieu et eux. C’est pour cela que le mariage est un sacrement. C’est le sacrement de Jésus-Christ. Qu’est-ce que cela veut dire ? Par le mariage, on entre dans son activité rédemptrice. Il n’agit de rien d’autre que de cette introduction de l’amour humain dans ce Grand Amour qu’est Dieu révélé et agissant dans le Christ ».

Cet enseignement de Saint Jean-Paul II met donc en lumière le caractère sacré de la vie et de l’amour humain. En s’appuyant sur la Révélation et la grande Tradition de l’Église, le pape polonais rejoint l’intuition de bon nombre de penseurs et de philosophes depuis la nuit des temps. Il rejoint aussi les intuitions religieuses de presque toutes les cultures du monde. En ce sens, le sacrement de mariage n’est pas d’abord un objet de débat juridique, ni un objet de débat sociétal, mais il est l’expression la plus palpable du mystère sous jacent de la vie. L’initiative de la maison d’édition La Scuola arrive ainsi à point nommé. La voix de Saint Jean-Paul II, comme l’a rappelé le Pape François, continue de nous aider à comprendre la grandeur de la réalité du mariage et de la famille.

Source : Tempi (Italie)

Traduction (VB)

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1 Commentaire

  1. tabitha

    On est toujours époustouflé, en lisant ce texte si court, de la densité, de la profondeur, de l'incroyable puissance heuristique de la pensée de cet homme. Et il faut reconnaître que ce texte-ci, à la différence de beaucoup d'ouvrages de Wojtyla qui demandaient parfois une analyse méthodologique très rigoureuse et souvent ardue, (ce qui fait qu'il a été "gommé" pour le bon peuple, par exemple en France, par ceux qui détenaient le monopole intellectuel) cette fois, n'importe qui peut s'en servir.

    Il y a urgence pour les prêtres à se former au réalisme de l'amour entre l'homme et la femme tel que Dieu l'a voulu et que l'Eglise a capacité à enseigner avec d'autant plus de fougue et de réalisme que : 

    1/ nous avons cet enseignement de JP II qui pourrait ensemencer avec profit toutes les fadaises psychologisantes à 2 balles qu'on sert aux malheureux couples en "préparation" au mariage

     2/ on voit le désarroi grandissant dans la société où on divorce beaucoup plus facilement qu'on ne se mouche, ce qui se comprend puisqu'on situe l'amour non pas au niveau d'une exigence et d'un "vouloir" qui exercent ma liberté mais au niveau d'une satisfaction immédiate, non contraignante et qui ne peut durer devant l'expérience" du réel.