Home > Cinéma, Théâtre > Cinéma : L‘Insulte

Ils sont peu les films qui réussissent à aborder une situation historique complexe sans la caricaturer ni la prendre en otage d’une idéologie. Parmi ceux-ci, un petit bijou libanais, L’Insulte, filmé par Ziad Doueiri, qui a récolté au festival de Venise 2017 la coupe Volpi du meilleur acteur pour la prestation de Kamel El Basha dans le rôle de Yasser. Notre critique cinématographique Stefano Vassetti raconte.

« Mots qui peuvent briser un cœur, mots qui te font saigner, mots qui peuvent incendier les âmes d’une révolution. » C’est ainsi que Meg, talentueuse artiste napolitaine, chante ses « Parole Alate » (paroles ailées). C’est cette chanson qui m’est venue immédiatement en tête à la vision du dernier film du réalisateur libanais Ziad Doueiri, « L’Insulte ».

Ce long-métrage a en effet pour objet la parole, la parole la plus déconcertante, la plus affilée ; une parole, l’insulte, cette épithète de « chien » qui en arabe résonne comme l’une des injures les plus humiliantes que l’on puisse adresser et recevoir.

Le contexte de l’insulte, lancée par Yasser, chef de chantier palestinien réfugié au Liban, apprécié pour son honnêteté et son goût du travail bien fait, à Tony, habitant du quartier chrétien où sont réalisés les travaux, n’est autre qu’un banal incident provoqué par l’attitude mesquine et provocante de ce dernier.

Cette pierre détachée de la montagne entraînera avec elle, de tentatives de conciliation en offenses ultérieures – jusqu’à la phrase de Tony qui fait bouillir le sang des parties en présence : « J’aurais voulu que Sharon vous extermine jusqu’au dernier » -, une véritable avalanche de violence, centrée sur le très médiatique procès voulu par Tony contre Yasser.

Le spectateur étranger se sent pris bien malgré lui, à la faveur des rebondissements du duel judiciaire, dans une longue descente vers l’âme déchirée du Liban, entrant, les tripes nouées, dans l’atroce souffrance des trente dernières années et son cortège compliqué de rancoeurs, de non-dits et de soif de vengeance.

Or ce qui frappe dans ce film-courage, magistralement dirigé et interprété, est la victoire de l’humanité la plus pure. Elle s’impose, discrète mais triomphante, s’élevant au-dessus des bassesses des couards et des mesquins.

Oui, ce film qui a pour thème un mot, un seul, s’accomplit dans un regard, le regard complice échangé entre Toni et Yasser à la fin du procès. Au-delà de toute résolution judiciaire ou politique, à travers leurs rencontres et leurs heurts, ils ont vu leur souffrance. Ce dernier regard ne laisse aucun doute, c’est un regard de paix qui s’insinue dans le cœur du spectateur secoué de violence, le laissant sans voix et envahi d’une humaine plénitude.

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