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C’est dans la privation de liberté que j’ai découvert la vraie liberté

Adriana Arango Muñoz, célèbre journaliste colombienne, offre un témoignage éloquent de ce que lui a enseigné l’expérience douloureuse de la prison.
 
 
 
Née à Medellín le 30 décembre 1964, Adriana Arango s’installe à 24 ans à Bogotá après des études de communication sociale et de journalisme, où elle travaille pour plusieurs célèbres chaînes de télévision et de radio du pays. Grâce à sa joie, sa spontanéité et son professionnalisme, elle devient vite l'une des journalistes et présentatrices les plus aimées des Colombiens.
 
Elle est mère de 3 enfants, Juan Esteban et Mariana de son premier mariage et Natalia de son second mariage avec Javier Coy. En 2003, celui-ci crée une entreprise d'exportation. Adriana décide bientôt de se retirer des médias télévisuels pour seconder son mari. L'entreprise est alors en pleine expansion et ils obtiennent une licence d'exportation de café. Bientôt, ils commencent à commercialiser des fleurs.  Puis ils décident d’agrandir leur entreprise et de s'occuper eux-mêmes de toutes les étapes du processus, de la production des fleurs – pour laquelle ils louent un terrain dans la Savane de Bogota – à leur vente dans des villes comme Buenos Aires, Santiago, Londres, New York et Moscou, où ils ouvrent des bureaux. Une telle croissance nécessite un investissement financier important. Adriana et Javier n'ayant pas cet argent, ils ont recours à des prêts de la famille et des amis, avec des taux d'intérêt très élevés.
 
En 2008, devant faire face à d’immenses dettes, ils envisagent de payer ces sommes en contractant un emprunt à la Bourse nationale agricole, celui-ci n’arrivera jamais. Selon Adriana, « Ce fut une expérience très douloureuse, très irresponsable. Je n'ai pas été capable de dire : " Nous avons des ennuis". Et en essayant de ne pas faire mauvaise figure devant les gens mal, nous avons continué à donner le change, pensant que nous pouvions vendre l'entreprise. Ce fut comme ça pendant presque deux ans.»
 
Pour les deux vient le moment des procès, des saisies judiciaires et finalement de la prison. « Nous avons sellé sans avoir les chevaux, nous avons grandi trop confiants que l’argent allait rentrer. Tout ce montage de plusieurs millions a été enterré dans les récoltes et c'est là que se trouve tout l'argent » .
 
Ils sont condamnés à 7 ans et demi de prison pour avoir collecté des fonds de façon illicite, ne pas l’avoir rendu et fraude aggravée (ce chef d’accusation leur ayant été imposé afin d’obtenir une réduction de moitié de leur peine).
Adriana passe 9 mois dans la prison pour femmes et fini de purger sa peine en prison à domicile, tandis que Javier doit purger toute sa peine au pénitencier.
 
Il y a quelques semaines, j'ai cherché à savoir comment avait fini cette douloureuse histoire et j'ai découvert en Adriana Arango une femme d'une force et d'une foi incroyables, capable de reconnaître une opportunité dans tout évènement. Une vie passionnée, un exemple d'humilité, de foi et de persévérance.
 
Le 6 août 2015, après avoir obtenu la liberté, elle témoignait dans une interview : « Comme le dit mon mari, cela a été l'expérience la plus significative, la plus profonde et la plus précieuse de notre vie, car dans la privation de liberté, j'ai trouvé la vraie liberté. Quelques jours après avoir été mise en prison, je me suis demandé : " Et moi, pour quoi de quoi je suis arrivée ici ? Non pas pourquoi je suis arrivée ici, mais que dois-je apprendre ? Et que puis-je apporter avec ce que je suis et mon expérience ?" Je me suis rendu compte que ma réalité, en plus de ne pas l'aimer, car embarrassante, douloureuse et très difficile, était très différente de celle des autres femmes. J'avais une formation, une éducation, une famille qui me rendait visite, des amis qui ne m'abandonnaient jamais, je me suis rendu compte qu'au milieu de toutes ces difficultés j'avais quelque chose à offrir aussi à tous mes codétenues et j'ai commencé à travailler dans le journal de la prison. Cette expérience avec mes codétenues m’a révélée ce que je veux vraiment faire dans la vie. Et ce que je veux faire, c'est servir.»
 
Quelques semaines après avoir retrouvé sa liberté, dans une retraite spirituelle, Adriana rencontre à l'improviste l'un des créanciers qui l’avait dénoncé : « Sans rancune, l'homme m'a donné une fleur et c'est ce détail, et non le bracelet avec lequel je suis tracée 24 heures sur 24, qui a libéré mon âme. Accepter l'erreur et dire " j'avais tort " est vraiment ce qui te rend libre.»
 
Pendant plus de 6 ans, Adriana apprit à vivre dans la joie en 60 mètres carrés. Non sans difficulté mais avec beaucoup d'espoir et de confiance, elle redécouvrit la valeur des petites choses, sans vouloir faire ou vivre autre chose que ce qui incombait. De cette période, elle nous dit : « Nous avons appris à vivre avec très peu, sachant que nous avions tout. J’ai appris à vivre le moment présent et pour moi c'est le but ultime et l'un des plus grands enseignements de toute cette période. Je n'attends rien, je ne visualise rien, cette dimension d'incertitude au bon sens du terme, cela me remplit de joie. Savoir que je me lève et que je donne le meilleur de moi-même, que j'essaie d'être une bonne personne, je me suis acceptée, je me suis pardonnée, j'ai demandé pardon … pour moi ce processus permit au fond de réinventer une Adriana qui est au-dessus des apparences, du nom, d'une trajectoire. Je fais simplement les choses avec amour et conviction et c’est cela qui me rend vraiment heureuse».
 
Une video en espagnol du témoignage d'Adriana
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