Il y a quelques jours, le juge d’instruction du Mont-Liban, le président Nadeem Al-Nashif, a pris une décision inhabituelle à l’encontre de jeunes mineurs qui s’étaient disputés à la suite d’un échange d’insultes à caractère religieux (chrétiens-musulmans) ayant entraîné un conflit qui aurait pu, dans un pays comme le Liban, dégénérer et avoir de graves conséquences au niveau national.
Cathédrale Maronite Saint-Georges et Mosquée Mohammad Amine au Centre ville de Beyrouth
Lors de la première audience, en présence des parents respectifs, de la déléguée pour la Fédération de la protection des mineurs, les deux jeunes ont exprimé leur bonne volonté pour la réconciliation, et ils ont échangé des excuses. Mais le juge, à la surprise de tous, invite les deux jeunes à une nouvelle audience. Comme peine, il demande à chacun des deux jeunes de présenter un document de deux pages contenant des versets du Coran et de la Bible concernant le pardon et l’amour. Chacun des deux jeunes, pendant ce temps de détention, devra rechercher dans son propre livre religieux (Bible et Coran) tous les versets qui parlent de l’amour et du pardon, et les présenter à l’autre.
Cette décision judiciaire si éducative a permis à ces deux jeunes (devant un conflit où la tentation est si facile de jeter la faute sur l’autre), d’entreprendre plutôt le chemin de la conversion, du retour à la propre identité. Pour le jeune musulman comme pour le jeune chrétien, cette décision judiciaire a transformé ce temps de détention en un temps de retraite spirituelle, un retour aux sources de leur propre foi. Retour qui leur a permis de prendre conscience que les actes vraiment libres ne s’enracinent pas dans la réactivité (la nôtre ou celle d’autrui) mais plutôt dans la conscience que nous avons de notre profonde identité, dans les racines de notre appartenance, dans la foi que nous professons et qui est appelée à élever notre coeur et notre vie toujours plus vers le Haut. Cette initiative du juge Al Nashif remplaçant les sanctions par des dispositions si éducatives, indique le chemin du véritable “vivre ensemble” qui passe inévitablement par le fait d’approfondir toujours plus sa propre identité. Ce thème du “vivre ensemble” tant discuté dans beaucoup de pays, mais il est souvent réduit à une fausse conception de la tolérance, ou à “des rencontres ponctuelles de paix” où échappe le courage de la confrontation avec le quotidien. Ce conflit entre ces deux jeunes, au lieu de provoquer une panique ou une sorte de silence pour camoufler l’affaire par peur de “certaines réactions”, a été au contraire l’occasion pour chacun d’un retour à la source de sa propre identité et d’accueillir d’une façon plus libre et plus respectueuse la différence de l’autre, en étant plus fidèle à sa propre foi qui est autant exigeante que libératrice sur ce chemin du vrai pardon et du vrai amour.