Carolina, au service depuis plusieurs années de l’accompagnement des volontaires polonais, est confrontée à une maladie auto immune rare qui diminue considérablement ses forces et sa liberté de mouvement. Elle nous livre un témoignage précieux en ce temps de confinement.
Carolina avec ses amis (Point-Coeur Pologne)
Il y a quelques jours, un ami m’a appelé pour me demander comment je me sentais face à cette nouvelle que nous allions avoir deux semaines de quarantaine. Je lui ai répondu que j’étais en « quarantaine » depuis trois ans, donc ça ne faisait pas beaucoup de différence pour moi.
Le lendemain, j’ai reçu plusieurs appels d’amis qui étaient très inquiets à ce sujet, et j’ai dû en passer beaucoup d’autres. J’ai reçu tellement d’informations au sujet du virus que, pendant un instant, j’ai ressenti la même angoisse que tant de personnes. Je me suis demandé, mais… comment tout cela a-t-il pu se produire du jour au lendemain ? Se pourrait-il que je ne réalise absolument pas ce qui se passe ? J’ai eu l’impression d’être parmi les disciples dont parle Julián Carrón dans le dernier texte qu’il a écrit sur la situation aux membres du mouvement Communion et Libération : « Le problème n’est pas qu’ils étaient seuls, parce que Jésus était avec eux, mais c’était comme si pour eux Jésus n’était pas là. C’était vraiment le problème, Il est là, Il est mais… où sommes-nous ? » Mon ami avait donc raison, il y avait une différence entre mes trois premières années de « quarantaine » et ces deux semaines. Il s’agit dorénavant de s’aider mutuellement à garder les yeux sur le Christ, car c’est Lui qui donne un sens à toutes choses.
Hier, je préparais une sauce pour salade avec un ami, nous y avons mis quelques ingrédients, nous l’avons un peu mélangée, elle n’a eu que le goût de l’huile, nous avons donné plus d’ingrédients et c’était la même chose. C’était très étrange, alors je l’ai remuée avec plus de force et c’est alors seulement qu’il a eu le goût de tout ce que nous avions ajouté. J’ai qu’il en va de même de la réalité : le but est de bien remuer, comme avec la sauce, de regarder tout ce qui m’est donné dans la journée, de faire de toutes les petites choses de la journée un événement extraordinaire (arroser les plantes, cuisiner, jouer, nettoyer, appeler quelqu’un, prier, penser, prendre un café en silence), ainsi sans réduire notre regard à un seul aspect de la réalité, nous pouvons trouver sa vraie saveur.
Ce temps nous ouvrira sûrement un chemin nouveau (je ne parle pas seulement de ce moment, mais de l’avenir), alors pourquoi ne pas transmettre les initiatives que nous faisons ici à Varsovie ou dans d’autres villes, afin que nous puissions nous nourrir ensemble de tout cela ? Pourquoi ne pas poursuivre en ligne la formation intellectuelle et spirituelle que nous proposons en temps ordinaire? Pourquoi ne pas ouvrir à d’autres, afin que ceux qui ne peuvent pas voyager puissent participer ? Comment est-il possible que notre petite chapelle soit devenue une église ouverte pour accueillir à la messe d’autres communautés qui, dans leur pays, n’ont plus l’Eucharistie ?
C’est extraordinairement beau tout ce qui se passe, au milieu de la souffrance. Finalement, tout ce qui semble être un obstacle est vraiment un tremplin vers une réalité beaucoup plus grande, un tremplin sur lequel je suis très heureuse de me lancer.
Merci Carolina pour ton témoignage et ces belles initiatives lancées. Cela me provoque à me donner plus dans la réalité où je suis plongée, si « banale »… et à être plus attentive à la vinaigrette…!
Voici un article publié il y a quelques années mais qui se fait l’écho de tes paroles.
http://terredecompassion.com/2018/10/20/warnken-la-resistance-intime/