« Sur le siège de Pierre, il n’y aurait pas ce Pape polonais, qui commence ce nouveau pontificat, sans [la foi d’un autre homme], qui ne s’est pas inclinée devant la prison ou la souffrance, [et sans] son espérance héroïque». Ce sont les mots de Jean-Paul II se référant au cardinal Wyszynski, dans une lettre au peuple polonais en 1978, qui donnent une idée de la valeur de l’homme qui sera béatifié le 12 septembre.
Le cardinal Wyszynski. Photo (Internet)
La stature morale de Wyszynski est essentielle pour comprendre la résistance de Jean-Paul II au nazisme et au communisme. C’est pourquoi le Parlement polonais a décidé de dédier cette année 2021, le 40ème anniversaire de sa mort, à celui qui fut le primat de l’Église dans le pays pendant les années les plus sombres de son histoire. Il est reconnu comme un « guide spirituel de la nation».
Ce leadership moral découle non seulement de ses paroles, mais surtout de ses actes. Lorsque Pie XII l’a nommé cardinal, Wyszynski a considéré que c’était « une médaille pour la Pologne, un pays croyant et toujours fidèle». Un événement qui ne plaît pas aux autorités communistes, qui décident de l’enfermer en prison et de l’isoler du reste du monde de 1953 à 1956, dans le but de réduire son influence. Une persécution ouverte, qui ne lui a pas permis de se rendre à Rome pour recevoir officiellement sa nomination.
Wyszynski a encouragé la piété du peuple polonais pendant les années de répression. Ne craignant ni les limitations ni les menaces, il organise des manifestations de foi massives, comme celle consacrée au millénaire du christianisme en Pologne au sanctuaire de Jasna Góra en mai 1966. Les autorités ont tenté de bloquer ces événements en supprimant des trains ou en fermant des routes, ce qui a encouragé davantage les fidèles, conscients que leur propre dignité était en jeu.
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Les compétences diplomatiques de Wyszynski ont également été déterminantes pour la naissance de Solidarnosc, le premier syndicat non communiste dans les pays sous contrôle soviétique. Il a toujours essayé de promouvoir la résistance pacifique, en évitant la violence contre les autorités, et le nouveau syndicat était un moyen de canaliser le mécontentement social.
Les services secrets soviétiques, le KGB, ont choisi pour Wyszynski un nom de code qui le définit bien : « le prophète ». Une étude des documents de l’époque montre qu’il était constamment espionné, y compris par certains de ses proches collaborateurs. Le cardinal polonais était particulièrement redouté pour son activité auprès des jeunes et des professionnels de la santé, avec lesquels il entretenait des contacts étroits.
Le prestige de Stefan Wyszynski, tant en Pologne qu’à l’étranger, était également un point de référence pour le cardinal Wojtila de l’époque, qui était toujours attentif aux critères du Primat polonais. « Si vous êtes élu, vous devez accepter». Ce sont les mots de Wyszynski à Wojtyla lors du conclave de 1978. Certains cardinaux ont vu en Wyszynski une référence claire dans la lutte contre le communisme et l’ont interrogé sur le jeune Wojtyla, que le cardinal vétéran a soutenu avec enthousiasme. « C’était la Vierge», ont été les mots de Wyszynski lorsque le premier pape polonais de l’histoire est apparu au balcon de la basilique Saint-Pierre.
Le pape Jean-Paul II et le cardinal Wyszynski. Photo (Facebook)
La cérémonie de béatification de Stefan Wyszynski aura lieu à Varsovie, sur la même place où Jean-Paul II s’était adressé au peuple polonais pour la première fois en tant que pape. C’était en 1979 et le primat de Pologne de l’époque avait alors réussi à obtenir des autorités communistes qu’elles autorisent le nouveau pontife à visiter son pays, en insistant sur la nature apolitique des rencontres.
La réalité est que le leadership moral de ce cardinal polonais a contribué à la résistance pacifique du pays et à la chute du communisme, sans qu’il soit nécessaire de faire couler le sang. Sa capacité de dialogue, sa fermeté dans ses principes et sa foi ont été des éléments fondamentaux pour changer à jamais l’histoire de la Pologne, et avec elle, celle de l’Europe entière.
La mémoire de Wyszynski reste vivante en Pologne. Ses restes sont vénérés dans la cathédrale de Varsovie ou les cierges allumés ne manquent jamais, ni les pèlerins sollicitant sa médiation pour obtenir certaines faveurs.
Article publié dans le journal El Debate de Hoy le 7 septembre 2021 par Antonio Olivier.
Traduit de l’espagnol par MC