Les immigrés syriens au Liban représentent maintenant 33 % de la population totale du pays. Abbas Ibrahim s’engage pour encourager les jeunes libanais, et en particulier les chrétiens, à rester sur leur terre. L’expérience de vie commune entre chrétiens et musulmans au Liban demeure un message pour le monde d’aujourd’hui qui ne cesse de se poser cette question urgente : comment approcher l’Islam ?
Entretien pour le journal L'Orient le Jour du 01/10/2016
Le 1er octobre dernier, le général de division Abbas Ibrahim a répondu à quelques questions au journal libanais L'Orient le Jour, dont voici quelques extraits :
La Sûreté Générale doit aussi gérer le dossier des réfugiés syriens. Parvenez-vous à les contrôler, sachant qu'il n'y a pas de chiffres exacts sur leur nombre au Liban ?
Le nombre est approximatif : les déplacés syriens représenteraient 33 % des Libanais. Ce pourcentage dépasse les capacités géographiques du Liban. Les déplacés syriens sont dans les villes et les villages, en plus des camps répertoriés et organisés. Il y a aussi des groupes désordonnés dans les villages ayant besoin d'une main-d'œuvre étrangère.
Aurait-il mieux valu les installer dans des camps, ou bien cette présence désorganisée est-elle une carte entre les mains du Liban ?
Les déplacés syriens représentent une cause humanitaire, car ils sont les victimes de la violence en Syrie. Ils ne sont pas une carte de chantage ou un moyen de pression pour conclure des compromis et ne le seront jamais. Mais cela n'empêche pas le fait que leur grand nombre est un poids pour le Liban, dont la superficie géographique est limitée. La création de camps géographiquement définis et répertoriés est devenue difficile et exige une décision politique qui tienne compte de la sensibilité libanaise au sujet de toute la question des réfugiés, en raison des appréhensions démographiques connues.
La Sûreté générale est aujourd'hui l'une des rares institutions de l'État qui fonctionne encore. Pouvez-vous dire franchement si vous croyez qu'il y a un État au Liban ?
C'est vrai qu'il y a une vacance au niveau de la présidence et une sorte de gel de l'action gouvernementale, mais les institutions militaires et sécuritaires fonctionnent normalement et efficacement. Le Liban est doté d'un État cohérent qui affronte des problèmes tantôt délicats, tantôt carrément dangereux. Nous y faisons face en tant qu'État et peuple attachés aux institutions et convaincus que ce pays est une entité définitive.
Avez-vous un dernier message aux jeunes qui ne songent qu'à quitter le pays ?
Les jeunes sont les forces du présent et de l'avenir. Ils sont appelés, aujourd'hui plus que jamais, à s'attacher à leur patrie et à sa valeur particulière, en tant que modèle spécifique de civilisation. Ils doivent combattre le désespoir et s'engager dans l'édification de l'État et dans le renforcement de ses institutions, dans tous les domaines, en respectant les cadres démocratique, social et politique. Leur renoncement à ce droit et à ce devoir équivaut à la renonciation à leur identité. Je ne suis pas contre le voyage pour acquérir du savoir, mais je suis totalement opposé à l'émigration. À travers mes contacts avec la diaspora et après l'adoption de la loi sur la restitution de la nationalité, je peux dire que tous les Libanais qui ont émigré, qu'ils l'aient fait en temps de paix ou de guerre, ont gardé des liens avec leur pays d'origine et
avec leurs proches. Je voudrais dire aux jeunes que la patrie n'est pas un hôtel. C'est une identité et une appartenance. Les jeunes doivent être conscients qu'être libanais, c'est être une valeur ajoutée dans le monde d'aujourd'hui. Ils doivent donc en être fiers. On a beaucoup parlé du Liban. Mais la phrase la plus belle est venue du pape Jean-Paul II qui avait dit que le Liban est un message, et pas seulement une patrie. J'appelle donc les jeunes à comprendre cette phrase en profondeur et à faire en sorte qu'elle prenne toute son ampleur, dans tous les domaines.
Propos recueillis par Scarlett HADDAD OLJ, 01/10/2016