Dimanche 15 octobre, dans une atmosphère assez tendue, auront lieu en Autriche les élections législatives, suite auxquelles sera formé un nouveau gouvernement, théoriquement pour 5 ans. Christoph Vavrik [1]Issu du privé, Christoph Vavrik décide de devenir candidat aux élections législatives comme tête de liste du parti NEOS pour la Styrie. Suite à un certain … Continue reading, citoyen franco-autrichien, député ÖVP sortant, répond aux questions de TdC.
Sur quelles grandes problématiques se joue ce vote ?
Principalement sur des questions d’immigration et d’intégration, c’est une question reprise par tous les responsables politiques et qui reflète un souci de la population. Par ailleurs, d’importantes questions fiscales, le régime de retraite et la cohésion sociale.
Le scrutin proportionnel exige souvent la mise en place de coalition où l’on fait beaucoup de compromis. Ainsi Mr Christian Kern (SPÖ – Sozialdemokratische Partei Österreichs – Parti Social-Démocrate, caractérisé par la couleur rouge) et Mr Sebastian Kurz (ÖVP – Österreischs Volkspartei rebaptisé récemment « Die neue Volkspartei », parti du peuple ou parti conservateur, caractérisé par la couleur noire) viennent de passer 16 mois ensemble au gouvernement.
En effet la coalition est une habitude ancienne. Pendant des décennies ces deux grands partis recueillaient à eux seuls 95% des voix et gouvernaient soit seuls soit en coalition. Ces deux partis ne sont idéologiquement pas trop éloignés, du coup il est moins difficile de faire des compromis. L’actuelle coalition est néanmoins vieille de 9 ans, les désaccords grandissent (il y a eu de nombreux remaniements ministériels) et la situation de plus en plus bloquée. Du coup il y a peu de chance qu’elle soit reconduite.
Le pays fonctionne tout de même bien si l’on compare à de nombreux pays…
C’est vrai mais les autrichiens se sont habitués à de hauts standards et se comparent beaucoup à l’Allemagne. Depuis environ 4 ans, il y en effet un réel décrochage par rapport au grand voisin sur de nombreux indicateurs économiques (emploi, dette publique, déficit budgétaire, croissance). Et puis l’écart se creuse avec près d’1/3 de la population qui n’arrive pas à profiter de la mondialisation, notamment la digitalisation. Le système éducatif si réputé (et si cher) produit ¼ de jeunes « fonctionnellement analphabètes » lorsqu’ils quittent l’école. L’écart entre haut et bas revenu pour les retraites se creuse dangereusement. Enfin, la question migratoire comme nous le disions (90.000 migrants en 2015, 40.000 en 2016 pour une population de 8 millions d’habitants), avec une population immigrée de plus en plus difficile à intégrer, pour des raisons d’éducation, de culture et de religion, n’a pas fini d’inquiéter.
Quelle est selon vous la mission du député.
Etre à la fois la voix de l’électorat et le contrôle du gouvernement, dans le sens de ce pourquoi il a été élu. Savoir aussi guider et sensibiliser son électorat et ne pas seulement en être l’esclave. Je donne souvent l’exemple de la scolarité obligatoire en France : à l’époque de Jules Ferry, cette loi était très peu populaire car dans un pays rural cela enlevait la main d’œuvre des fermes.
Que retenez-vous de cette expérience ?
J’ai appris à gérer des équipes de bénévoles qui s’engagent pour des choses auxquelles ils croient, sachant que sur une équipe de 25 à faire campagne, seul un serait député et recevrait un salaire.
J’ai aussi été beaucoup déçu par le manque de courage de certains députés, qui suivent sans réfléchir les consignes du gouvernement. Le parlement est ramené à un simple exécutant du gouvernement.
Un pronostic pour dimanche ?
Je pense que le ÖVP (Sebastian Kurz) va gagner, mais le scandale dont il est victime va aussi l’affecter [2]Un proche collaborateur du chancelier Kern Tal Silberstein a été arrêté en Israël pour fraude et convaincu de « dirty campaining » financé … Continue reading, car le SPÖ a réussi à semer le trouble en prétendant que le scandale impliquait les deux grands partis. « Médisez, il en restera bien quelque chose ». Il était à 33-34% mais va baisser à 31% et n’aura donc plus le tiers bloquant pour les lois constitutionnelles. Le FPÖ (Freiheitliche Partei Österreichs – Parti de la liberté, caractérisé par la couleur bleue, droite patriotique) lui aura 26-27% et le SPÖ va tomber à 22-24%. Par ailleurs, les trois petits partis, les Verts, le NEOS (Das Neue Österreich und Liberales Forum – La nouvelle Autriche et le forum libéral, d‘inspiration libérale et sociale, caractérisé par la couleur rose), et la liste Pilz issue des Verts, vont entrer au parlement avec entre 5 et 6% chacun. Sebastian Kurz serait alors le plus jeune chancelier de l’Autriche moderne.
Est-ce une bonne nouvelle ?
Oui. J’ai changé de parti notamment grâce à lui. Il a un désir de réforme pour l’Autriche et son propre parti qui sont à mon avis de bonne augure. Y arrivera-t-il ? Les forces en son camp se retiennent en ce moment, pour lui permettre de gagner les élections, mais après ? Certains jalons sont néanmoins déjà posés sur lesquels l’arrière-garde du parti ne pourra pas revenir. J’espère enfin que son programme ne se limitera pas à l’intégration, dont il a tant parlé, certainement par tactique électorale. Mais ça n’est pas le seul enjeu.
Propos recueillis par CI
References
↑1 | Issu du privé, Christoph Vavrik décide de devenir candidat aux élections législatives comme tête de liste du parti NEOS pour la Styrie. Suite à un certain nombre de désaccords, de fond comme de forme, il quitte le parti en cours de mandat et rejoint l’ÖVP. Il choisit cependant de ne pas se représenter. |
---|---|
↑2 | Un proche collaborateur du chancelier Kern Tal Silberstein a été arrêté en Israël pour fraude et convaincu de « dirty campaining » financé par des proches du SPÖ à l’encontre de Sebastian Kurz. Pour en savoir plus : https://www.la-croix.com/Monde/Autriche-gauche-happee-tsunami-legislatives-2017-10-06-1300882458 |