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Sebastian Kurz sera le nouveau chancelier autrichien

Le parti de Sebastian Kurz, Die neue ÖVP, vient d’obtenir la majorité des voix aux élections législatives ce dimanche. Après l’optention des resultats officiels à la fin de cette semaine, ce résultat fera de son jeune chef le futur chancelier de l’Autriche. La presse française transmet souvent une image partiale des enjeux politiques autrichiens comme de ce jeune politicien. Mais qui est Sebastian Kurz ? 

Discours du Ministre fédéral Sebastian Kurz à l'OSCE.
Palais Hofburg, Vienne. 14.07.2016, Foto: Dragan Tatic

 

Un parcours fulgurant

Sebastian Kurz est né en 1986 dans un milieu de la classe moyenne : son père est ingénieur, sa mère professeur des écoles. Comme tout enfant viennois, il a grandi dans des classes où 50% des enfants étaient issus de l’immigration, provenant de pays majoritairement musulmans, mais aussi de l’Europe de l’est. Il a donc pris la mesure de l’urgence de travailler à l’intégration. 

Président de la branche jeune de l’ÖVP (Österreischs Volkspartei, conservateur) dés 2009, membre du conseil municipal de Vienne, il arrête ses études de droit pour se lancer dans la politique en 2011. Il est alors nommé secrétaire d’Etat à l’intégration à l’âge de 24 ans, auprès de la Ministre de l’Intérieur Johanna Mikl-Leitner. 

Il est élu Député en 2013. Après la reconduction de la coalition, le 16 décembre de la même année sous le gouvernement Faymann (SPÖ, Sozialdemokratische Partei Österreichs, socialiste), il devient le plus jeune Ministre des Affaires étrangères européen (Ministre fédéral de l’Intégration et des Affaires européennes et internationales). 

Un bilan globalement apprécié

Les autrichiens ont aimé la manière avec laquelle Sebastian Kurz les a représentés avec son discours pondéré mais sans détour. Pensons à son intervention pro-européenne équilibrée et lucide au moment du Brexit [1]Voir son intervention en allemand du 24/06/2017 : https://youtu.be/_fs-kB3QECs

Certains médias français lui reprochent d’être favorable à Victor Orban, mais en réalité, il a développé les relations diplomatiques et économiques avec tous les anciens alliés de l’Autriche, ce qui ne s’était pas vu depuis la chute de l’empire. Par ailleurs, alors que l’Europe entière fait mine de s’incliner devant les chantages du populiste à tendance islamiste Erdogan, il est le seul Ministre des Affaires étrangères en Europe à réclamer la fin des négociations d’adhésion de la Turquie (est-il nécessaire de rappeler ici le tribut de l’histoire viennoise ?). 

Prenant à coeur la mission du Secrétariat à l'Intégration, le jeune ministre organise régulièrement des rencontres avec toutes les communautés religieuses étrangères. Au cours de l’une d’entre elles avec les communautés catholiques de langue étrangère, ce pratiquant parlait au paroissiens et à leurs pasteurs de l’importance du travail d’intégration qu’ils réalisaient, de la situation internationale, de l’urgence de soutenir les chrétiens d’Orient et encourageait chacun à servir les personnes pour le bien du pays. 

Les médias français reprochent enfin à Kurz une politique agressive en terme de protectionisme et d’immigration. En réalité, les autrichiens, pragmatiques et malins, tirent depuis longtemps leur épingle du jeux dans le contexte européen, notamment en terme de protectionnisme agricole. En outre, malgré ses prises de paroles tranchées sur la crise migratoire, lesquelles reflètent l’inquiétude grandissante sur le terrain et le déséquilibre entre les migrants d’Europe de l’est relégués au second plan et ceux de la dernière vague qui bénéficient d’avantages considérables (pour ceux qui obtiennent le permis de séjour : 800 euros par mois pendant trois ans s’ils ne travaillent pas, cours d’allemand gratuits, accès gratuit aux transports et aux musées, aides sociales etc), beaucoup reprochent à Kurz d’avoir été trop conciliant et de n’avoir pas assez protégé le pays durant ces années cruciales. Au sujet de l’immigration, c’est un défaut de rigueur et d’action qui lui est reproché plutôt qu’un zèle protectionniste.

Une ascension sous condition

En mai 2017, il devient président de l’ÖVP, mais prévient les siens que ce sera à ses conditions : il mettra fin à la coalition et il faudra que cette vielle machine soit réformée, sans quoi, il refusera d’assumer cette responsabilité. C’est ainsi que le parti change de nom, devient Die Neue ÖVP, et se prépare à des élections législatives générales sous les étendards de son nouveau chef : « Maintenant ou jamais ! ». 

La perspective d'une éventuelle alliance qu’il a annoncée alors avec le FPÖ (bleus : droite patriotique), n’est pas aussi scandaleuse qu’on le laisse entendre. C’est une question de pragmatisme politique au vu des impasses de l’actuelle coalition et tout aussi bien de légitimité de représentation : si Vienne est généralement progressiste, la province est conservatrice et demeure sensible à l’argument protectionniste, de plus, ces élections législatives font du FPÖ le deuxième parti d’Autriche avec, selon les estimations actuelles, 27 % contre 31 % pour Die neue ÖVP ( le SPÖ obtiendrait 26 % et le parti des Verts serait évincé du parlement [2]https://www.sn.at/politik/nationalratswahl-2017/oevp-gewinnt-die-nationalratswahl-gruene-muessen-zittern-neos-bleiben-drin-19323520). Rappelons aussi que le FPÖ,  a déjà accédé au gouvernement par le passé. 

La question migratoire

Qu’on soit de gauche ou de droite en Autriche, la question migratoire et de l’intégration est devenue centrale. Outre le ralentissement économique et la question des retraites, elle faisait parti des débats cruciaux durant cette campagne. Qui vit à Vienne en effet, a vu la ville changer en quelques deux ans. A titre d’exemple, selon les chiffres officiels du gouvernement (légales en Autriche contrairement à la France, car une partie de l’impôt concerne l’appartenance religieuse), 30% des élèves sont déclarés catholiques, et 23% musulmans. 

Les viennois ont d’abord accueilli cette vague avec un grand élan de générosité. Deux ans après, les plus humanistes déchantent. Ils ont été témoins de la manière d’accueillir ces aides, de l'importation des critères islamistes dans l’espace public, de l’augmentation de l’insécurité (malgré les précautions du gouvernement pour que les évènements ne soient pas transmis en masse dans les médias), de l’état dépressif préoccupant d’un grand nombre d’immigrés (dont seulement un petit pourcentage est syrien), de leur difficulté à s’intégrer, en un mot, de la crise humaine, culturelle et sociale à laquelle ils sont désormais tenus de répondre. Pour ce peuple amoureux d’une vie douce, respectueux du bien commun et de l’espace public et si dévoué au consensus social, c’est un défit complexe.

L’esprit autrichien

Les autrichiens sont viscéralement attachés à la négociation et à la diplomatie (rappelons que depuis 1955, l’Autriche est un pays neutre). Ils aiment le sérieux, la probité, la pondération et le consensus. Sebastian Kurz, malgré son jeune âge, répond à ces attentes.

Pour eux, le scandale provoqué par les adversaires de Kurz, et qui consistait en une manipulation de données privées pour porter atteinte au candidat,  ne passe pas. Dans la presse, on parle de « French scandal ». On refuse l’idée que le pays sombre dans la « dirty politic » telle qu’elle est pratiquée chez les français. Cet évènement aura opportunément servi au nouveau chancelier. 

Une des grandes qualités de l’Autriche, c’est qu’en dehors de tout jeunisme irrationnel qui prétendrait mettre en marche sa population, elle a l’audace de donner sa chance à des jeunes en politique. Privilège d’une petite nation ? Grandeur d’un peuple qui sait prendre des risques malgré son amour du confort et de la sécurité ? Conformément à l’esprit du pays, c’est en tout cas sur un bilan objectif et sur des qualités éprouvées que l’enfant prodige de la politique autrichienne a été élu.

 

Traduction DC

References

References
1 Voir son intervention en allemand du 24/06/2017 : https://youtu.be/_fs-kB3QECs
2 https://www.sn.at/politik/nationalratswahl-2017/oevp-gewinnt-die-nationalratswahl-gruene-muessen-zittern-neos-bleiben-drin-19323520
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2 Commentaires

  1. Bruno ANEL

    Sebastian Kurtz n'est pas entièrement libre de ses alliances et de son programme. La constitution autrichienne reconnait au président de la République,  lui aussi élu au suffrage universel, le droit de refuser de nommer un gouvernement dont le programme ne respecterait pas les engagements internationaux de l'Autriche. Alexander Van der Belen a prévenu qu'il souhaitait un gouvernement "solidement européen".

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