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Hélie de Saint Marc et les 50 ans de l’Algérie

De Bruno Blaise.

Hélie de Saint Marc, homme exceptionnel par son courage, son honnêteté, son patriotisme et son humilité, a passé plus de 25 ans en première ligne, là où se sont affrontés le nazisme et le communisme, mais aussi les empires et la décolonisation, en Algérie notamment.

 

Depuis 1870, la France a fait de l'Algérie trois départements français, sans donner la citoyenneté aux Arabes et aux Berbères. La situation inégalitaire de l'Algérie est devenue explosive, à l’heure où les empires coloniaux se défont. Pourtant, les réformes sont timides et le dogme « L'Algérie, c'est la France » intangible. La situation pourrit de mois en mois.
Cette terre d’invasion porte la marque de ses maîtres successifs : Carthaginois, Romains, Vandales, Arabes, Turcs et Français. Mais la fusion entre vainqueurs et vaincus ne s’est jamais faite. La seule tentative d’unification, celle de l’Emir Abd el-Kader au XIXe siècle a été un échec. L’Algérie des années 50 offre un visage complexe, mi-occidental, mi-oriental, mi-européen, mi-africain.
En 1956, Hélie de Saint Marc rejoint le général Massu, patron de la 10e division parachutiste, comme aide de camp et chargé des relations avec la presse où il est très apprécié.
Il assiste avec inquiétude au cycle infernal des bombes et de la répression. En équilibre sur son fil, Hélie de Saint Marc échappe aux étiquettes : ouvert et tempéré, il combat dans les unités d'action et de répression. Inlassablement, il raconte aux journalistes cette blessure jaune de l’Indochine qui saigne encore et l'espoir d'une paix algérienne. Hélie de Saint Marc croit en effet sincèrement à une « troisième voie » entre l'Algérie française et l'indépendance qui pourrait éviter les massacres et les drames, en arrivant au même résultat. Nommé commandant sous les ordres du général Challe, il prend part aux grandes opérations du plan Challe. Gagner la guerre pendant que le gouvernement cherche à gagner la paix : la feuille de route lui convient.
Le 21 avril 1961, il participe au putsch des généraux d’Alger, par loyauté et par son sens de l’honneur, se souvenant des Indochinois que les soldats français avaient empêchés de monter dans leurs camions et qui s’étaient fait massacrer par les Vietminh (sa « blessure jaune », évoquée ci-dessus). Il ne voulait pas recommencer avec les Harkis.
En juin 1961, lors de son procès, malgré de nombreuses dépositions en sa faveur, il est condamné à 10 ans de prison et est déchu de tous ses droits. En décembre 1966, il est gracié par le général de Gaulle.

Aujourd'hui, Hélie de Saint Marc témoigne pour éviter que nos enfants aient un jour les dents gâtées par les raisins verts de l'oubli. Voici quelques extraits de ses livres :
« La réussite telle qu'on la mesure aujourd'hui, à l'aune de l'argent, est-elle compatible avec la tenue et la dignité qui font l'honneur de vivre ? »
« Les adolescents d'aujourd'hui ont peur d'employer des mots comme la fidélité, l'honneur, l'idéal ou le courage. Je voudrais leur expliquer comment les valeurs de l'engagement ont été la clé de voûte de mon existence, comment je me suis brûlé à elles, et comment elles m’ont porté. La noblesse du destin humain, c'est aussi l'inquiétude, l'interrogation, les choix douloureux qui ne font ni vainqueur ni vaincu. »
« La soif de paraître est une passion terrible qui détruit l'humanité dans l'homme. Elle est insatiable. Elle assèche la source intérieure. Je préfère ceux qui cherchent à s'élever, ce qui est tout autre chose. Leur chemin intérieur passe par la patience et le dénuement. »
« Les hommes qui construisent l'avenir sont ceux qui ont la plus vaste mémoire. Le souvenir n'est pas une tristesse, mais une respiration intérieure. »
« Bernanos disait : “Une heure de foi profonde pour 23 heures de doute”. Comment l’absurdité du monde ne pourrait-elle pas provoquer le doute ? En même temps, il y a cette beauté, ce mystère et parfois ces générosités qui sont comme le reflet imparfait de ce qui nous attend après. »
« Que dire à un cadet ? Peut-être, avec pudeur, lui glisser dans le creux de la main deux ou trois conseils : mettre en accord ses actes et ses convictions ; pouvoir se regarder dans la glace sans avoir à rougir de lui-même ; ne pas tricher, sans doute le plus difficile ; pratiquer et tâcher de concilier le courage et la générosité ; rester un homme libre. »

 

NB : Un lien pour accéder à des documents audio, video et écrits : http://www.heliedesaintmarc.com/Medias.htm

 

 

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3 Commentaires

  1. Louanchi

    lien vers http://www.dailymotion.com/video/xl0lyn_hocine-le-combat-d-une-vie_news En 1975, quatre hommes cagoulés et armés pénètrent dans la mairie de Saint Laurent des arbres, dans le département du Gard. Sous la menace de tout faire sauter à la dynamite, ils obtiennent après 24 heures de négociations la dissolution du camp de harkis proche du village. A l'époque, depuis 13 ans, ce camp de Saint Maurice l'Ardoise, ceinturé de barbelés et de miradors, accueillait 1200 harkis et leurs familles. Une discipline militaire, des conditions hygiéniques minimales, violence et répression, 40 malades mentaux qui errent désoeuvrés et l' isolement total de la société française. Sur les quatre membres du commando anonyme des cagoulés, un seul aujourd'hui se décide à parler.  35 ans après Hocine raconte comment il a risqué sa vie pour faire raser le camp de la honte. Nous sommes retournés avec lui sur les lieux, ce 14 juillet 2011. Anne Gromaire, Jean-Claude Honnorat. Sur radio-alpes.net – Audio -France-Algérie : Le combat de ma vie (2012-03-26 17:55:13) – Ecoutez: Hocine Louanchi joint au téléphone…émotions et voile de censure levé ! Les Accords d'Evian n'effacent pas le passé, mais l'avenir pourra apaiser les blessures. (H.Louanchi) Interview du 26 mars 2012 sur radio-alpes.net

  2. Johanna

    Merci pour ces témoignages, toute cette documentation à approfondir …
    Profonde tristesse face à nos ignorances, nos non-dits, nos oublis …
    Respect envers  ceux qui ont placé Honneur  pour priorité …
    L'Indochine, l'Algérie sont des blessures  reconnues ou ignorées, d'autres ont suivi … ! Notre sac est lourd.

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