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La liturgie maronite est une liturgie syriaque, chalcédonienne et catholique. Au sein de la famille syriaque, elle a ses propres spécificités qui ont été façonnées par des siècles de riche histoire. Les relations étroites avec les Croisés depuis le 11ème siècle, et avec Rome depuis le 16ème siècle, ont provoqué une latinisation de l’Église maronite. Mais un réveil conscient des racines et de l’identité a généré un mouvement de syriacisation au cours du 20ème siècle, renforcé à l’aube du 21ème siècle. Ce renouveau se manifeste par des groupes de Maronites et d’autres Chrétiens libanais qui tentent de récupérer leur langue syriaque. Il est également évident dans les inscriptions de nombreuses églises et dans les objets liturgiques modernes.

 

Nappe d’autel blanche – Annéya

 

Sur la nappe d’autel moderne d’Annéya par exemple, on peut lire « Slivokh mahyono néhwé noturan, Yéshou’ Poruqéh d ‘olmo » (Que ta croix vivifiante soit notre gardienne, Jésus Sauveur du monde).

 

Nappe d’autel rouge

Une autre nappe d’autel du monastère d’Annéya montre cette autre inscription : « Slutokh ‘amman Aboun Charbél, la slawotokh néshma’ Moryo wa nhasé lan » (Que vos prières soient avec nous Père Charbel, que le Seigneur entende vos prières et nous purifie). Le syriaque est essentiel dans le tissu, les vêtements liturgiques, l’art, et bien sûr la liturgie elle-même. La prière au début de la Messe maronite est toujours en syriaque, quelle que soit la langue dans laquelle la messe est célébrée. Elle dit : « W éno b sougo d tayboutokh é’oul l vaytokh « W ésgoud b hayklo d qoudshokh « b déhéltokh Moryo dabaran wa b zadiqoutokh aléfayn ».

Il s’agit en fait du Psaume 5:7 de la Bible : « Mais moi, par ton grand amour, je peux entrer dans ta maison. En signe de révérence, je me prosterne devant ton saint temple ». Et ici, le peuple répond : « Dans ta crainte, Seigneur, conduis-nous et dans ta justice, enseigne-nous. »

 

 Le Trisagion ou Qadishat

 

Certains autels maronites modernes montrent le triple Qadishat, ou Trisagion. Celui-ci était traditionnellement chanté par les prêtres, mais le peuple aimait y participer. Il a donc fallu modifier la nouvelle messe, en laissant toute la paroisse contribuer à cette prière : « Qadishat Aloho, Qadishat Hayeltono, Qadishat Lomoyuto ». « Saint Dieu – Saint le Puissant – Saint l’Immortel ».

L’intention de cet article n’est pas d’expliquer la messe maronite dans sa structure et ses moindres détails, mais plutôt de tenter de découvrir la spécificité de son esprit qui réside dans sa profonde simplicité, son humilité et sa démocratie. Cet esprit particulier de la messe maronite, nous est dévoilé par le philosophe Charles Malik lorsqu’il écrit : « Le génie du rituel et de la spiritualité maronite réside dans le fait qu’ils sont populaires, étant donné qu’ils proviennent du peuple et ne sont pas imposés d’en haut. Cette popularité intime distingue la liturgie maronite de la liturgie orthodoxe. La messe grecque orthodoxe est entièrement célébrée avec un air qui glorifie l’Empire byzantin, alors que la messe maronite est une merveilleuse et spontanée incarnation du cœur et des sentiments des gens. Ceux qui louent Dieu sont des gens fidèles et patients et non des empereurs. » C’est la splendeur, la popularité, la démocratie, la simplicité et la spontanéité du rituel maronite. Le rituel est libre de tout embellissement humain et inculque un sentiment au croyant. Ils devraient reconnaître comment Jésus et Marie ont béni les Maronites pour leur simplicité, leur sincérité, et leur culte et dévotion chaleureux, qui sont très éloignés de la philosophie et de la « philosophication ».

Un autre commentaire très révélateur a été fait par Dom Jean Parisot en 1899, concernant la musique. Il exprime parfaitement la mentalité syriaque, et donc, la vénération maronite pour la simplicité. Il dit : « Au point de vue mélodique, les chants syriaques, moins passionnés dans l’expression que les chants profanes des Arabes, sont d’un caractère calme. La prédominance des modes mineurs ou des tonalités mixtes indéterminées, le peu d’amplitude des échelles employées, la répétition des mêmes formules et la souplesse des rythmes, contribuent à donner à ces airs un caractère féminin et mélancolique. En général, le chant oriental excelle à rendre les sentiments doux, suppliants et timides. Il sait bien s’humilier ».

Dom Jean Parisot précise également dans ses commentaires, que certaines formes de surabondance chez les Syriaques n’étaient dues qu’à des emprunts modernes : « Généralement les airs chaldéens, soustraits à l’action de la musique arabe, sont construits sur des modes plus simples, franchement diatoniques, en même temps qu’ils sont d’un beau caractère mélodique. »

Le rite maronite est héritier de Saint Ephrem. C’est pourquoi nous ressentons, non seulement l’esprit de simplicité, mais aussi le rôle important de la famille. Le rite maronite, mais aussi la société maronite, reflètent la théologie mariale de Saint Ephrem. Traditionnellement, les Maronites considèrent la famille comme une réplique de la Sainte Famille qui est le modèle de sa société. Marie est au centre de leur vie quotidienne. On l’entend dans leurs chants comme : « Oh Maryam lo teshtanqin, Mshiho qom, shariroit qom » (Oh Marie ne souffre pas, le Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité).

 

 Le Couronnement de la Vierge à Qannoubine

 

Marie est au centre du rite et de la société maronite. Tous les sièges patriarcaux maronites sont dédiés à Marie : Notre-Dame de Qannoubine, Notre-Dame d’Ilige et Notre-Dame de Bkerké. Le patriarche Estéphanos Douayhi a commandé la fresque du Couronnement de Marie à Qannoubine et l’a déclarée « Reine du Liban ».

Le monachisme est également central. Les Maronites ont développé leurs communautés autour des monastères de Saint Maron. Ils étaient appelés « Communautés de Beit Moroun ». Il y avait une pleine unité entre les familles et les monastères. Et au centre de cette société monastique, au cœur de ces familles chrétiennes, il y avait l’Eucharistie. En syriaque, le mot pour la messe est Qourovo, et pour la communion c’est Qourbono. Mais les Maronites appellent toute la messe Qourbono parce qu’elle ne fait qu’un avec l’Eucharistie.

 

 L’Eucharistie

 

L’Eucharistie dans la liturgie, est une association et une participation horizontale et verticale. Avant de recevoir le corps du Christ, tous les fidèles sont unis dans une communion horizontale. Et l’hymne eucharistique est également chanté par toute la communauté paroissiale. Ils chantent le : Avo d Qoushto (Père de la Justice). La prière eucharistique maronite la plus significative exprime la spiritualité maronite dans sa théologie, sa mentalité et sa simplicité la plus profonde. Elle dit : « Hayedt Mor alohutokh b noshutan, w noshutan b alohutokh ; Hayutokh b mitutan, w mitutan b hayutokh » (Tu as unifié Seigneur, ta divinité avec notre humanité, et notre humanité avec ta divinité ; Ta vie avec notre mortalité, et notre mortalité avec ta vie). Le Monastère comme centre de la société maronite, Sainte Marie comme cœur de la Famille Maronite, et l’Eucharistie comme présence vivante de Jésus-Christ Fils de Dieu : Ce sont les caractéristiques des Maronites, des valeurs à respecter éternellement en toute simplicité, humilité et démocratie.