Le 8 septembre dernier… La vie de milliers de personnes ne sera désormais plus jamais la même. Ma chère ville de Zamboanga, située dans le sud des Philippines, une région partagée entre musulmans, chrétiens et personnes d’autres religions, a été assiégée par le groupe rebelle Moro National Liberation Front (MNLF). Bien que l’intention initiale demeure inconnue, une chose est certaine : des vies on été prises, des maisons réduites en cendres par des incendies violents, beaucoup de larmes ont été versées et ce qui reste à présent n’est que le spectre d’un réceptacle brisé, le résultat d’une guerre…
Riche, pauvre, bon, mauvais… tout cela n’est qu’une partie des éléments qui habitent notre monde aujourd’hui. Certains ont la chance d’être nourris dès l’enfance à la cuillère en argent, tandis que d’autres trouveront leur joie dans le simple confort d’une cabane plantée dans un décor vert et luxuriant. Qu’importe finalement cela ; une maison est avant tout définie par les personnes qui l’habitent, sans tenir compte du côté de la barrière duquel elles ont grandi. Cependant, que faire quand cette maison est soudainement arrachée, quand tout change en un clin d’œil, quand le mot “paix” ne semble plus qu’un lointain rêve ? Comment éclairer l’obscurité quand la réalisation de la paix est couverte de sang et de violence ?
Demandez à quiconque fut présent en ce temps de confusion, et d’innombrables histoires seront racontées ; mais je voudrais vous partager l’expérience de mon cher ami, connu par ses proches sous le nom de Tata, qui habitait dans la zone où l’épicentre du conflit a résonné. C’est l’histoire de comment l’homme rencontre Dieu de manière totalement improbable, une expérience de laquelle nous pouvons tous apprendre. Nous Philippins, nous disons tous que nous croyons en Dieu, mais que se passe-t-il si notre foi est mise à l’épreuve ? Une épreuve qui, si elle échoue, aboutit à la mort…
Tout débuta tôt à l’aube, vers 4h du matin. Ils furent réveillés par des coups de feu et de fortes explosions pas très loin de chez eux. Ils ont ensuite entendu un des voisins crier qu’ils étaient attaqués et qu’ils devaient partir aussi vite que possible. Ils ont rapidement quitté leur maison, prenant juste un peu d’argent avec eux. Dans leur fuite, ils ont croisé une mer de gens paniqués, chacun cherchant à se frayer un chemin pour sortir du chaos qui lentement se formait. Alors que la plupart des personnes courraient pour sauver leur vie, eux n’eurent d’autre choix que de marcher, le père souffrant d’arthrite qui ralentissait considérablement ses mouvements. Rapidement, il réalisa qu’ils étaient déjà pris dans l’échange des coups de feux entre les militaires et les rebelles extrémistes. « Tu ne sais jamais dans quelle direction va la balle » dit-il. Grâce à Dieu, ils furent accueillis par un couple qui les abrita dans leur maison. Ils se couchèrent sur le sol, se bouchant les oreilles alors que les balles transperçaient les murs. Les secondes parurent des minutes, les minutes des heures, les heures une éternité. « Je dois ma vie à ce couple et à la fin de tout ce conflit, je retournerai sans aucun doute dans cette maison et je leur témoignerai la même tendresse que j’ai reçue » pensa-t-il. Mais il réalisa bien vite que ce serait la première et la dernière visite dans ce sanctuaire qui fut entièrement réduit en cendres quelques jours plus tard.
L’incessant barrage de balles finit par s’arrêter vers 11h, ce qui leur donna la possibilité de reprendre la fuite. Il se rappela son verset favori de la Bible alors qu’il s’apprêtait à mettre le pied hors de son refuge : « Ne t’ai-je pas donné cet ordre : sois sans crainte ni frayeur, car le Seigneur ton Dieu est avec toi dans toutes tes démarches » (Jos 1,9). Comme Joseph, il avait la mission de conduire sa famille loin de l’emprise du désespoir. Se sentant si petit et si faible, avec pour seule arme sa foi, il guida son troupeau courageusement, sillonnant pas à pas les étroites ruelles de son voisinage. « Nous nous sentions comme des souris prises dans un labyrinthe, ne sachant pas si un serpent ne nous attendrait pas à la sortie… », déclara-t-il. Il ne mendia jamais rien d’autre que sa vie. « C’est le bien le plus précieux que nous ne posséderons jamais. On avait pris de l’argent avec nous mais c’était inutile. En temps de guerre, même cela, personne n’en veut ». Leur allure était lente, le père pouvait à peine marcher, son arthrite s’empirant ; leurs moindres mouvements devaient être calculés. Soudain, ils réalisèrent qu’ils étaient sur la route principale et par grâce de Dieu, une jeep qui passait juste à ce moment-là, offrit sans aucune hésitation de les conduire en dehors de la zone de combat. « Cette jeep était un signe de la Providence divine ». Il réalisa que Dieu était avec lui depuis le début et que chaque personne qui les avait guidés était peut-être tout simplement un ange de Dieu déguisé. Les nouvelles tombèrent plus tard que certains de ceux qui avaient tenté de fuir furent pris en otages, tandis que d’autres furent tués.
En écoutant son histoire, je n’ai pas pu m’empêcher de penser que cet ami était sûrement le plus chanceux du monde. Je n’avais jamais entendu parler d’une famille marchant littéralement « dans un champ de bataille ». Mais la chance n’a rien à voir avec ça. C’est aussi clair que dans les vieilles histoires. Comme celles de Joseph le rêveur, de David et Goliath ou de Daniel dans la fosse aux lions. Ce fut une journée seulement d’un combat qui en dura en tout vingt-trois. Au final, près de quatre-vingt hectares de terre furent brûlés, des milliers de maisons détruites ; plus de 100 000 personnes furent déplacées. Cet événement cependant n’est qu’un signe qui montre que l’homme est vraiment une créature des circonstances. Et Dieu lui demande d’avoir seulement la foi comme une graine de moutarde. Je me demande donc ce qu’il en est de ma foi…
Alors que les flammes de la guerre s’éteignent peu à peu, une nouvelle espérance pour toutes ces familles à présent à l’étroit dans les nombreux centres d’évacuation, peut-elle naître des cendres de ce conflit ? Je le crois. Cet événement tragique ne doit pas être considéré comme un signe de douleur mais d’espérance, l’espérance que nous finirons par poser notre regard dans le chemin que Dieu a préparé pour nous. Prise entre deux feux par ce conflit, le temps seul dira si notre foi en Dieu est vraiment forte et comment les gens qu’Il utilise comme instrument, porteront tous ceux déchirés par les épouvantables expériences de la guerre de Zamboanga.
de Denny Robert C. Magaso
Note de l’auteur : je voudrais remercier mon frère Deniell pour m’avoir aide à écrire cette histoire et aussi mon cher ami Kuya Tata pour les informations.