Home > Dossier Syriaque > L’épigraphie Syriaque ( I )

Pourquoi l’épigraphie est-elle importante pour la culture et l’histoire du Liban ? Et de quoi s’agit-il exactement ? L’épigraphie est l’étude des inscriptions dans des matériaux durs, principalement dans la pierre ou dans le roc. Les Maronites ont laissé leurs traces dans tout le Liban, gravant leurs lettres syriaques, sur les églises, les monastères et dans la roche naturelle. Dans notre recherche épigraphique à travers le Liban, nous avons rassemblé un ensemble de cent inscriptions syriaques que nous avons classées en quatre groupes. Dans cet article, nous en présentons deux, et dans le prochain article, nous présenterons les deux autres.

Le premier groupe rassemble les épigraphes sans forme particulière. Mais ils nous fournissent des informations historiques. Entre ces épigraphes se trouvent les inscriptions de la grotte phénicienne d’Aqoura, devenue l’église Saint-Pierre-et-Paul.

 

   Saints-Pierre-et-Paul de Aqoura

 

Une de ses inscriptions a été illustrée dans « Mission de Phénicie » par Ernest Renan, avant qu’elle ne disparaisse. Elle dit : Mor Estépanos Qsantine, qui signifie « Saint Stephan Constantine ». Il s’agit d’une écriture estranguélo verticale. L’église de Mar Méma à Ehden, construite en 749, contient une épigraphe datée de 790. Elle montre le même type d’estranguélo irrégulier qui pourrait nous aider à dater l’inscription de Saint-Pierre-et-Paul à la même époque. Ces épigraphes nous renseignent beaucoup sur l’âge de l’église et sur celle qui la précède. L’église Saint-Georges d’Aqoura, par exemple, a été démolie et entièrement reconstruite dans le style maronite du 19ème siècle. L’ancienne épigraphe a été insérée dans le mur de la nouvelle architecture. Elle est datée de 1730, ce qui signifie que cette église avait déjà été reconstruite au 18ème siècle.

 

 

Inscription Syriaque – Saint-Maron de Annéya

 

D’autres inscriptions syriaques sont plus élaborées comme dans le monastère de Saint Maron à Annéya. A l’intérieur de son église, on trouve des fonts baptismaux avec une croix de lumière et le nom de Jésus écrit en serto.

 

épigraphe Eglise Saint Antoine – Ain Warqa

 

A Gosta, se trouve le monastère de Ain Warqa. Son église dédiée à Saint Antoine porte une épigraphe sur le haut de son abside. Son inscription est très significative de la culture syriaque des Maronites, détachée du monde matérialiste. Ils avaient coutume d’ignorer les questions terrestres et de chercher le royaume des cieux. Il s’agit d’un verset biblique de Matthieu 19:21 : « én sové at gmiro lméhwo, zél, zavén qényonokh w hav lméskiné, w téhwé lokh simto bashmayo, w to botar. « Si tu veux être parfait, va, vends tes biens et donne l’argent aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel, alors viens, suis-Moi« . Un peu partout au Liban, on trouve des inscriptions syriaques maronites gravées dans les pierres. Le château de Saint-Gilles à Tripoli, par exemple, est rempli d’inscriptions syriaques, principalement des épitaphes rapportées d’un cimetière chrétien voisin et utilisées par les Ottomans comme simple maçonnerie. La plupart d’entre elles sont installées à l’envers. L’une d’entre elles pourrait cependant être une signature au lieu d’une épitaphe, car elle est joliment installée comme un linteau. Elle est datée de 1737 et donne le nom d’un certain George, fils de Fayez. D’autres exemples du château de Saint-Gilles sont représentatifs des épitaphes importées comme matériau de réemploi. L’une d’entre elles porte le nom du prêtre Moussa. Comme tous les autres dans ce château, il est du 18ème siècle. Il est daté de 1754.

 

Eglise Saint-Jean-Marc – Byblos

 

À Byblos, Saint-Jean-Marc a également été construit par les Croisés. Son épigraphe se trouve sur l’entrée latérale qui a été restaurée au 18ème siècle. Elle mentionne l’événement de la restauration et les noms du pape Pie 6, ainsi que du patriarche maronite Joseph Estéphan. Elle est datée de 1776. On remarque que ses lettres sont de plus en plus petites dans les lignes inférieures, comme si le sculpteur n’avait pas géré correctement l’espace sur la pierre. Néanmoins, si l’on se réfère à un livre d’école maronite daté de 1913, on observe que ce même phénomène se répète sur le support papier, comme s’il s’agissait d’une tradition pour les Maronites.

 

Notre-Dame de Mayphouq

 

Si nous quittons la côte pour aller dans les montagnes jusqu’à Notre-Dame de Mayphouq, nous trouvons deux belles épigraphes sur une Trifora, ou triple baie. A gauche, l’inscription datée de 1891, donne les noms des moines qui ont travaillé à la restauration du monastère. A droite, l’inscription est sous une croix, datée de 1904. Elle dit : « Lo purqono élo ba slivo « Wlo hayé élo bé  » : Il n’y a de salut que par la Croix, et aucune vie en dehors de celle-ci.

Le deuxième groupe à découvrir est celui des épigraphes circulaires. Ils sont appelés Glilo en syriaque, ce qui signifie cercle. Leur importance est fondamentale pour le message théologique véhiculé par l’art des inscriptions avec leurs formes et leurs symboles.

 

 Cercle Glilo – Monastère de Mar Shalita – Gosta

 

Notre premier exemple de Glilo ou inscription circulaire se trouve dans le monastère de Mar Shalita, à Gosta et est daté de 1670. Nous l’avons lu : « Téshbouhto l’Aloho, Etnih bqavro hono, Guewarguis Petros, Patriarko d’Antiokia Morounoyé, Mén bsébeel bashnay Moran Olaph w shét mo w shav’in « Gloire à Dieu, Repose dans cette tombe, George Peter, Patriarche d’Antioche des Maronites, De Bsébeel en l’an du Seigneur 1670 »

 

Glilo – Notre-Dame de Tamish

 

Un autre Glilo, ou épigraphe circulaire, est de la même année, également daté de 1670. Mais il se trouve à Notre-Dame de Tamish. Il montre la même petite croix en son sommet.

 

Le Glilo, du monastère de Maad, est daté de 1813. Celui-ci est le seul exemple où la calligraphie se courbe pour définir le cercle.

 

Un autre Glilo se trouve au monastère de Saint Simon à Aytou. Il est daté de 1868. Il ressemble à une hostie et contient un crucifix avec la date et le nom du couvent. Deux personnages personnifient le soleil et la lune, la divinité et l’humanité de Jésus.

 

Monastère de Saint-Simon de Aytou

 

Notre-Dame-de-la-Prairie à Qornet Hamra a son épigraphe en osmose avec l’oculus. À l’intérieur d’un cercle, on trouve l’ouverture, la croix, l’inscription et les deux étoiles : le soleil et la lune, représentant à nouveau la divinité et l’humanité de Jésus-Christ.

 

Notre-Dame de la Prairie à Qornet Hamra

 

Notre Dame du Mashmoushé montre le même effet. L’inscription est mélangée avec l’oculus et la croix. Le texte est également le même que celui de Qornet Hamra. Il dit : « Qui choisit d’être un serviteur de Marie, ne goûtera jamais à la mort« .

 

Saint-Maron à Mazraat Yeshoua

 

On retrouve le même phénomène à Saint-Maron à Mazraat-Yeshoua. Le Glilo réunit l’oculus, la croix, le soleil et la lune, ainsi que la même inscription syriaque dédiée à Marie. La Divinité et l’Humanité du Christ sont sur les côtés de la croix. Toutes ces répétitions nous informent de l’existence d’une tradition que nous ne pouvons plus ignorer. Il existe un trésor de formes, de signes, d’expressions et de messages qui définissent une culture artistique et théologique. Nous compléterons cette connaissance dans le prochain article, avec deux autres groupes concernant les inscriptions carrées et les les inscriptions à la croix.

Lire aussi : L’Épigraphie syriaque ( II )

 

Article tiré du livre « Epigraphie Syriaque au Liban – vol 1 », Amine Jules Iskandar, NDU Press, Louayzé, Liban, 2008.

 

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