Durant le mois d’octobre, dans les rues de Lima, des milliers de personnes habillées en violet suivent, au rythme lent de la procession, un char (anda"), surmonté d’une icône du Christ crucifié. Portée par plus de trente hommes, cette image de plus de 1950 kg est vénérée par tout un peuple.
C’est le mois de carême liménien, le mois violet, particulièrement important au Pérou. Celui-ci donne lieu au culte du "Señor de los milagros", la principale dévotion et festivité catholique du pays, et l’une des plus grandes processions du monde.
Ce Christ crucifié fut peint en 1651 par un esclave angolais sur un mur en torchis, fresque se trouvant aujourd’hui sur le mur du maitre-autel dans le sanctuaire Las Nazarenas, dans le centre de Lima.
Très rapidement son culte va se répandre suite à sa conservation miraculeuse lors des violents et successifs tremblements de terre liméniens ; en 1655, et en 1687, Lima est détruite et les victimes se comptent par milliers ; le fragile mur et sa peinture reste intactes. Surgit pour la foi du peuple ‘El Señor de los milagros’. Des malades incurables viennent prier devant l’image et sont miraculeusement guéris. Une reproduction a l’huile est alors faite sur une toile, à laquelle on ajoute l’image du Père, la Vierge Marie et Marie Magdeleine ; posée sur un socle en bois, celle-ci est portée en procession dans les rues de Lima. C’est cette même peinture qui depuis lors, chaque mois d’octobre -le mois des tremblements de terre – sort en procession dans les rues de Lima.
Laissons parler deux témoins :
« Les rues sont noires de monde, la foule s’assemble. ¨El Señor de los milagros¨ sort en procession ! Il est attendu, on chante, on crie "Que viva El Señor, que Viva !". Plus que tout, pour ce peuple péruvien, Il est le Seigneur, et il vient à leur rencontre, Il descend dans les rues. Des hommes ont la mission de le porter sur leurs épaules. Leurs visages sont marqués par l’effort mais aussi par une profonde ferveur. La foule se presse, des milliers et des milliers de personnes. Cette procession a commencé avec une petite minorité d’esclave noire, et attire à elle maintenant tout un peuple qui se tourne vers Un Visage, Celui de Jésus en Croix » (sr Mariam)
« J’avais déjà participé à la procession l’année dernière, je crois que je m’y étais « habituée » et j’en avais un peu perdu le sens. Mais ce soir-là, pendant la procession, alors que nous venions de terminer de prier le chapelet, j’ai eu un instant de grâce, pendant lequel j’ai de nouveau pris conscience que c’était notre Seigneur Jésus sur la Croix qui défilait dans les rues de Lima. Je sentais qu’il y avait quelque chose de spécial mais j’avais du mal à discerner ce que c’était. Soudain, je me suis rendue compte que régnait un profond silence au milieu de cette foule. Les gens parlaient tout bas, avec respect et une attitude de recueillement. A Lima, il y a toujours du bruit dans les rues : musique, klaxons, feux d’artifice, alors ce silence avait vraiment quelque chose d’unique. Je n’avais pas non plus vu passer le temps et j’ai réalisé qu’il était deux heures du matin. Au vu de la foule de personnes et de la diversité des visages qui la composaient, des différentes générations représentées, du bébé de quelques mois, aux grands-mères marchant avec difficulté et nécessitant le soutien de quelqu’un pour suivre la procession, on se serait vraiment cru en plein jour. Et pourtant, au milieu de la nuit, un vendredi soir, après une semaine de travail, les péruviens étaient présents pour accompagner le Seigneur, avec autant de foi et de ferveur, sinon plus encore, que l’année précédente. » (Sabine)