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Projet de loi pour valoriser le travail au foyer en Suisse

Le peuple suisse votera le 24 novembre prochain sur l’initiative de l’UDC « Pour les familles : déductions fiscales aussi pour les parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants ». Tous les partis s’opposent à ce texte, y compris le parti démocrate chrétien. Yannick Buttet, 36 ans, conseiller national démocrate chrétien, explique pourquoi il soutient l’initiative contre l’avis de son propre parti.


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Le fait qu’une majorité de délégués du PDC a voté contre cette initiative vous a-t-il incité à changer d’avis ?
Yannick Buttet : – Pas du tout. Les raisons qui ont poussé au non viennent du cumul de plusieurs facteurs : le lobbying du comité des femmes PDC – pas de toutes les femmes PDC, il y en a beaucoup qui sont favorables à l’initiative – qui a voulu tenter un coup de force pour se profiler ; le fait que l’initiative vient de l’UDC – puisque tout ce qui vient de l’UDC est mauvais ; la frilosité de ceux qui ont peur que leur canton perde un ou deux millions ; et l’esprit calculateur de quelques-uns, les pires peut-être, qui ne veulent pas mettre en danger les deux initiatives lancées par le PDC en acceptant celle-ci (voir ci-dessous, ndlr). Cela dit, je reste persuadé que la base du PDC va soutenir massivement ce texte.

Les femmes PDC se sont fortement mobilisées : si les premières concernées sont hostiles à l’initiative, pouvez-vous aller contre vos électrices ?
– Quand je discute avec les femmes de mon canton, la plupart sont favorables. J’ai beaucoup travaillé dans les comités de jeunes et je constate une grande différence entre les femmes de ma génération et celles qui ont entre 50 et 70 ans. Je comprends la réaction des femmes qui ont vécu des inégalités très fortes – sans dire que tout est rose maintenant –, mais les plus jeunes ne se reconnaissent pas vraiment dans cette manière de tout réduire à la lutte des sexes.

Le travail des femmes est considéré comme un progrès social. Votre initiative ne dit-elle pas que la place de la femme est à la maison ?
– Le travail des femmes est un progrès si la famille le voit comme tel. Il y a plusieurs modèles, aucun n’est mauvais. Ce qui me dérange, c’est qu’actuellement, l’Etat dit clairement : le bon modèle, c’est que les deux parents travaillent. Or, c’est à la famille elle-même de choisir son mode d’organisation. Peut-être est-ce la volonté de l’UDC de dire que la famille traditionnelle est le seul modèle valable, je n’en sais rien ; mais je ne vote pas sur la vision que l’UDC a de la société, je vote sur une proposition concrète. Ce qui m’intéresse, c’est de savoir si le vote du 24 novembre va permettre de rétablir l’équité entre tous les modèles familiaux.

Pour des questions fiscales, l’Etat a intérêt à ce que les deux parents travaillent…
– Peut-être. Je ne m’engage pas pour que l’Etat soit heureux. Pour moi la famille est la cellule de base de la société et on doit la soutenir. Les enfants, c’est l’avenir du pays. Et d’ailleurs, je ne suis pas sûr que le calcul du « tous au travail » soit bon : dans ma commune de Collombey-Muraz, une place en crèche coûte entre 11’000 et 12’000 francs par an à la collectivité.

Que répondez-vous à vos adversaires pour qui cette initiative est d’abord un cadeau pour les familles riches où Monsieur gagne assez pour que Madame puisse rester à la maison ?
– C’est absolument faux. Ce n’est pas du tout ce que nous vivons en Valais. Il y a des couples qui gagnent 5000 francs par mois et dont l’un des deux reste à la maison. C’est justement ces gens-là qu’on doit aider. Le Matin Dimanche prend l’exemple d’un seul salaire à 160’000 francs. Cela ne correspond pas à la réalité ! Je connais un bûcheron dont la femme reste à la maison pour éduquer les enfants : parce qu’ils ont choisi de vivre de cette manière et que le but de leur vie n’est pas seulement d’amasser de l’argent, mais de s’épanouir en famille.

Hans-Ulrich Bigler, directeur de l’USAM (organisation des PME), dit que cette initiative coûterait plusieurs centaines de millions à l’Etat : comment compenser ces pertes fiscales?
– D’abord, ça me fait sourire que ce soit l’USAM ou le PLR (parti libéral-radical) qui affirment cela alors qu’ils font des propositions de baisses d’impôts à chaque session parlementaire. Pour eux, tout est finançable quand il s’agit de promouvoir les grandes entreprises, mais quand c’est pour les familles, attention, on ne peut plus se le permettre. Et quand les critiques viennent de la gauche ça me fait encore plus sourire, car j’ai rarement vu une proposition de la gauche accompagnée d’un plan de financement. C’est une question de choix dans les priorités de l’Etat. Là où il y a une volonté, il y a un chemin, pour reprendre le mot d’un communiste.

Le PDC a déjà deux autres initiatives en route, l’une pour défiscaliser les allocations familiales, l’autre pour supprimer la pénalisation fiscale des couples mariés : pourquoi avoir choisi de soutenir un modèle venu de l’UDC ?
Moi je préfère avoir une ligne claire, y rester fidèle et en assumer les conséquences. La politique familiale en Suisse est lacunaire et insuffisante (1,3% du PIB contre 3,7% en France et 2,8 en Allemagne, ndlr) : cette initiative amène un progrès. Les deux initiatives du PDC vont compléter ce dispositif.

Article paru dans l'Echo magazine du 7 novembre 2013

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