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Adrienne Von Speyr et la Quarantaine

À l’heure où la retraite forcée semble être le lot de la planète entière, il nous est bon de nous tourner vers la vie d’une femme, médecin et mystique, dont la mission immense reçue du Seigneur n’a pas encore fini d’être scrutée.

 

Adrienne Von Speyr

 

Adrienne a vécu elle aussi cette quarantaine inattendue, douloureuse, mettant sa vie en suspens pour deux longues années. Une quarantaine due à une double tuberculose pulmonaire. Mais c’est surtout la souffrance morale qui entoure son départ pour la montagne de Leysin – à seulement 16 ans – qui est bien plus douloureuse encore. Elle a perdu son père et mystérieusement rejetée par sa mère, elle est privée de toute tendresse humaine, de soutien économique et se retrouve aux portes de la mort. 

Son acceptation de la réalité est comme une lumière pour nous, elle est comme un agneau, douce et paisible, devant le diagnostic implacable :

« Le médecin m’expliqua gentiment, mais avec une voix un peu rauque, que pour les jeunes filles malades des deux poumons, il n’y avait pas de printemps possible. Je compris très bien ; j’étais tout à fait d’accord. Et je pensais avec une joie nouvelle : il y aura papa et le Bon Dieu. Je passai le reste de l’après-midi à prier (…) J’offrais au Bon Dieu ma mort, puisqu’Il n’avait peut-être pas besoin de cette vie. J’étais tout à fait rassurée, heureuse, tranquille. Je savais de nouveau très bien que le Bon Dieu était autre ; mais cela justement était bien ainsi ; il expliquerait tout Lui-même, il montrerait. » [1]Fragments autobiographiques, pp. 141, Lethielleux, Paris 1978 

Son acceptation si lumineusement mariale de sa situation est un exemple pour nous, un encouragement et une source d’espérance. Elle en reçoit la force et la grâce de vivre quand même, même si ses jours sont comptés, et de profiter de chaque instant, de ne pas se regarder mourante mais de se donner simplement. Dès qu’elle va mieux et peut s’asseoir, elle tricote un peu pour des Russes, en quarantaine eux-aussi, qui surpris par la révolution Bolchévique se retrouvent coincés, hors de leur patrie. D’autres malades viennent la voir, lui demande de leur parler, elle noue des amitiés, leur donne des conférences sur des sujets comme « l’obéissance et la liberté » et d’autres sujets philosophiques, sur Dostoïevski qu’elle apprend à lire dans le texte puisqu’elle n’a désormais « plus rien à faire ». [2]Hans Urs von Balthasar, Adrienne von Speyr et sa mission théologique, p. 19. (Ed. apostolat des éditions) 1976 

Ce qui est le plus frappant dans son attitude c’est que loin d’anticiper sa mort, elle cultive presque à son insu la vie la plus intense, et peut dire :

« Je cherchais Dieu et il me semblait ne trouver que le silence. J’aimais le silence de Leysin et sa tranquillité immense. Ce que nous vivions ici était mis à part, presque en dehors du réel, je le comprenais de plus en plus comme une préparation, mais une préparation à quoi ? (…) Je promis à Dieu de suivre le chemin qu’Il me montrerait, de lui être obéissante. Puis j’eus un peu peur de mon audace et voulus limiter ma promesse au temps que je serais à Leysin ; mais au même moment, le mot de « rétréci » me revint à l’esprit et je dis au Bon Dieu que je lui répétais ma promesse et tâcherais de ne pas la rétrécir. » [3]Fragments autobiographiques, pp. 142-143 

Nous ne pouvons que nous émerveiller de l’immense fécondité qui a surgit dans la vie de cette jeune fille, arrivée un temps aux portes de la mort.   

References

References
1 Fragments autobiographiques, pp. 141, Lethielleux, Paris 1978
2 Hans Urs von Balthasar, Adrienne von Speyr et sa mission théologique, p. 19. (Ed. apostolat des éditions) 1976
3 Fragments autobiographiques, pp. 142-143
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