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Le « Gaudi » polonais, architecte de l’espérance

Monsieur Niemczyk est un architecte polonais contemporain. Architecte d’art sacré avant tout, ses œuvres étonnent, tant par leur profond sens de l’homme, que par leur visée théologique manifestée jusque dans les moindres détails. L’église du Rédempteur, le couvent Sainte-Claire, encore en construction, et l’église du Saint-Esprit à Tychy sont de styles très différents, mais témoignent que l’architecte met son art au service de la rencontre entre l’homme et Dieu. Un véritable art de l’alliance, expression de la foi de tout un peuple, et vraiment consolateur.

L’architecture de Monsieur Niemczyk est une architecture profondément humaine : une architecture réalisée par l’homme, pour l’homme, et en vue de la rencontre avec Dieu. D’ailleurs, sa vocation à l’architecture sacrée prend sa source le jour où il se pose la question, après quelques années à avoir édifié des bâtiments communistes : « Comment oses-tu te considérer comme un architecte en concevant des choses aussi inhumaines ? »

Le mode de construction qu’il choisit témoigne aussi de cette humanité : ce sont 2000 paroissiens qui ont construit, en 8 mois et de manière bénévole, la magnifique église du Rédempteur. Pour chaque église, et pour tous les éléments décoratifs, il fait appel à des « locaux », qui mettent leurs talents au service de la beauté de l’œuvre. Le couvent Sainte-Claire, vaste édifice en cours de construction, abrite quant à lui la vie même des ouvriers qui y mangent et y dorment quand ils travaillent au chantier.

Les matériaux utilisés traduisent également ce désir d’un art qui exprime la vie humaine, qui soit vraiment « fruit du travail des hommes ».  Ainsi, le couvent Sainte-Claire est fait de pierres de dolomite puisées dans une carrière toute proche. Pour construire l’église du Rédempteur, ont été utilisés du bois polonais « matériel chaud, proche de l’homme », traduisant ainsi la proximité de Dieu, et des briques rouges, parfois « récupérées », c’est-à-dire « non parfaites », comme le sont nos vies, qui ont besoin d’être rachetées. La large couronne de béton qui entoure l’intérieur de l’édifice est aussi l’expression de nos pauvretés, de notre besoin de salut. Mais en l’utilisant dans cette église, l’architecte y voit aussi un moyen de donner de la noblesse à ce matériau pauvre, pas vraiment beau. Les icônes de l’église du Saint-Esprit, quant à elles, ne suivent pas le « canon » des icônes classiques : la plupart sont peintes directement sur les lattes de bois, épousant la forme de la voûte de l’Eglise.

Une architecture vraiment humaine… d’ailleurs, Monsieur Niemczyk ne souligne-t-il pas qu’il continue à faire de l’architecture profane, des maisons, pour ne pas perdre de vue que son architecture doit être au service des hommes, reflet de leur humanité ?

Son œuvre architecturale frappe aussi par sa profonde visée théologique. Comme il l’affirme : « Il n’y a pas de hasard dans la construction, tous les éléments sont réfléchis et priés ». Chaque jour, il arrive sur le lieu du chantier et y prie une heure avant le début des travaux, avant de donner ses instructions pour la journée. Il en résulte beaucoup de changements entre les plans initiaux et la réalisation finale !

Ainsi, chaque élément a son utilité, sa « destination » ou finalité. Au couvent Sainte-Claire, le colombarium sert de sas entre le vacarme de la ville et l’espace sacré de l’église. Les cinq tours font référence aux cinq plaies du Christ et aux cinq stigmates de Saint François. La tour représentant la plaie du cœur de Jésus, deux fois plus haute que les autres, n’est pas fermée, et est vide, référence à ce cœur ouvert, toujours béant et sans limites. Le lieu du Golgotha, 3 piliers représentant les trois croix du Calvaire, est éclairé un jour de l’année, celui de Pâques, par la lumière du jour signifiant la résurrection, passage des ténèbres à la lumière…

L’église du Rédempteur voit sa charpente prendre la forme d’une colombe, rappel du Cénacle et de la présence de l’Esprit Saint. La couleur verte y est utilisée pour ce qui a trait aux sacrements, qui redonnent la vie. L’autel, les confessionnaux, le baptistère sont revêtus de cette couleur de l’espérance. La lumière qui signifie la présence du Christ au tabernacle, lumière « éternelle » est issue de la lumière naturelle. Les trois clochers de l’Eglise signifient les trois millénaires ; le plus haut, dont la forme représente la mitre de Jean-Paul II, évoque l’entrée dans le troisième millénaire.

La réalisation d’un artiste, son art, donne de percevoir quelque chose de son âme, de ce qui l’habite profondément. Ainsi, scruter l’œuvre donne de découvrir la personne : « C’est le cœur de l’artiste qui se révèle à travers ses œuvres » (homélie de Jean-Paul II aux artistes, Belgique, 1985).

Si l’on contemple Monsieur Niemczyk en train d’écouter le curé de la paroisse du Rédempteur raconter l’histoire de la construction de son église, on ne peut qu’être saisi par son humilité. Il est là, paisible, silencieux, comme dépossédé de son œuvre. Et pourtant, il a accompagné pas à pas la construction de cette église, demandant même aux ouvriers de déconstruire certaines parties, pour les refaire, car elles ne correspondaient pas  à ce qu’il attendait. Maintenant que l’église est belle et bien réalisée, elle semble ne plus lui appartenir comme en témoigne son effacement.

« Ceux qui ont construit l’église Saint-Ambroise de Milan étaient pauvres, car ils avaient la certitude de certaines grandes choses, plus grandes que l’œuvre même qu’ils ont été capables de réaliser. Seule la relation avec ce « quelque chose d’autre » permet de construire des œuvres belles et grandes, de construire constamment, et de se dépasser dans la beauté de ce que l’on crée. » (Don Luigi Giussani in Un évènement de vie, c’est-à-dire une histoire). C’est peut-être ce qui émane de la personnalité de Monsieur Niemczyk : son art semble prendre sa source dans sa foi, dans son intériorité. Peut-être est-ce pour cela qu’il insiste sur le fait que, dans la construction de ses églises, l’extérieur, et les éléments intérieurs de décoration sont construits de manière simultanée. Une constante qui traduit une unité, reflet de sa vie, comme si s’élevait son œuvre à mesure que s’approfondissait son âme.

La liberté qui jaillit de ses œuvres, si novatrices, surprend. C’est le cas de l’église du Saint-Esprit, à Tychy, ville typique de l’école communiste sans beauté et sans centre. La construction de cette église se voulait comme une réponse à l’agression de l’idéologie. Edifiée sous le communisme, cette vaste église a pour particularité sa voûte en bois, tapissée de grandes icônes, du célèbre Nowosielski, son maître et ami, décédé avant d’avoir pu achever son œuvre. Visages consolants de la Vierge, du Christ, des saints, qui entourent de leur tendresse, semblant affirmer que Dieu n’a pas abandonné le monde. Ils consolent par leur présence, rendant aux hommes assurance et confiance, au sein même de l’épreuve de l’idéologie : ils ne sont pas seuls, le visage de Dieu n’a pas disparu. Pas plus que le visage humain.

Les édifices de Niemczyk, enfin, témoignent de la foi d’un peuple. Ils sont l’expression de la foi des polonais, qui n’a jamais failli, au long d’une histoire douloureuse et souvent tumultueuse.

 En tout cela, l’art de Monsieur Niemczyk est vraiment source d’espérance pour la Pologne, réponse au souhait d’un Grand de la patrie : « Que votre art contribue à l’affermissement d’une beauté authentique, qui, comme reflet de l’Esprit de Dieu, transfigure la matière, ouvrant les esprits au sens de l’éternité ! » (Pape Jean-Paul II, Lettre aux artistes, 1999).

 

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2 Commentaires

  1. Tiberghien Catherine

    Merci, Aurélie pour la rencontre avec M. Niemczyk !

    Si l'on voyage en Pologne, où se situent le Couvent Ste Claire et l'église du Rédempteur ?